Les Chroniques de l'Imaginaire

Le magasin des suicides - Teulé, Jean

La famille Tuvache possède un commerce depuis plusieurs générations qui est très prospère, au cœur de la cité des Religions Oubliées. Au magasin des suicides, on trouve tout ce qu'il faut et pour tous les goûts afin de réussir sa sortie. Si l'on a raté sa vie, avec eux, on réussit sa mort. Les clients reconnaissants invitent souvent les Tuvache à leur enterrement. Il faut dire qu'avec un suicide toutes les quarante minutes, douze mille morts, cent cinquante mille tentatives pour cent trente-huit mille ratées, ce magasin est inespéré pour tous les désespérés.

Avec une situation mondiale peuplée de catastrophes en tout genre, la pollution atmosphérique, une faune et une flore dévastées, les perspectives d'avenir sont nulles et poussent les êtres humains dans la dépression. Même la famille Tuvache n'est pas épargnée par la morosité générale. Un père et une mère dépressifs, une cadette complexée et amorphe, un aîné, artiste anorexique migraineux, une famille normale quoi.

Mais par professionnalisme, les parents ont la mauvaise idée d'essayer la marchandise, une capote trouée. Et le petit dernier, pas désiré, va vite devenir gênant pour le commerce. Alors que tristesse et humeur sombre doivent prévaloir face à la clientèle, le jeune Tuvache chamboule les habitudes avec son éternelle joie de vivre. Malgré les tentatives de sa mère et de son père pour le remettre dans le droit chemin, l'optimisme perpétuel de cet enfant va mettre en péril les affaires familiales.

Dans cette utopie, Jean Teulé s'attaque à des sujets tabous : le suicide et la mort. Il les aborde avec un humour noir en les banalisant sans pour autant en devenir morbide. Avec le mouton noir de la famille, l'auteur apporte cette note d'espoir et de joie qui permet de bouleverser le monde qui l'entoure. Jean Teulé sème dans son roman des références historiques en nommant ses personnages ou certains lieux par des prénoms ou des noms de suicidés célèbres. Cette histoire de SF rappelle, par son humour très anglais, l'univers des Monty Python.

Le magasin des suicides ne donnera pas aux lecteurs dépressifs les meilleures méthodes pour réussir leur mort, mais l'occasion d'un bon moment de rire avec cette famille atypique. Ce roman a été adapté en film d'animation par Patrice Leconte en 2012 ainsi qu'en BD aux éditions Delcourt.