Fallion Orden, le fils de Gaborn, a provoqué malgré lui un fait sans précédent : il a réuni deux mondes d'ombres en un seul ! Le résultat par contre n'est pas tout à fait ce qu'il avait espéré. En effet, son royaume de Mystarria a été lié avec un autre monde où vivent des créatures non-humaines, les wyrmlings, qui sont non seulement de très grande taille, mais qui obéissent à un maître impitoyable, le seigneur Désespoir. De plus, ce dernier est soutenu par des guerriers ailés immortels, les Chevaliers Éternels, chez qui des ailes magiques sont greffées et qui n'ont plus d'essence vitales en eux. Leur chef, Vulgnash, est en plus un tisseur de flammes tout comme Fallion, mais qui maîtrise beaucoup mieux ses pouvoirs que ce dernier. À l'issue de la bataille de Caer Luciare, Vulgnash capture Fallion en lui aspirant toute la chaleur de son corps, le privant ainsi de ses pouvoirs de tisseur de flammes. Il se réveille donc durant le vol du chevalier damné, prisonnier, en direction de la forteresse de Rugassa, repère des wyrmlings.
Du côté des survivants de Mystarria, la résistance ne se fait pas attendre. En effet, si le frère cadet de Fallion a été tué durant la bataille, Rhianna a pu mettre fin aux jours d'un des chevaliers immortels, gagnant ainsi les ailes magiques de ce dernier. Sa valeur a été reconnue par les humains qui étaient dans le monde d'Ombre dirigé par les wyrmlings, notamment par l'Emir Tuul Ra, une légende au sein de son peuple, ainsi que Daylan du Marteau Noir. De nombreux réfugiés humains tentent de s'enfuir vers le nord, sans raison apparente, mais peut-être existe-t-il un moyen d'échapper aux wyrmlings avant la tombée de la nuit ? Car fort heureusement, ces créatures craignent la lumière du jour et leurs yeux ne sont guère efficaces en pleine lumière. Le plus étrange dans cette fusion des mondes, c'est que les âmes qui existaient dans les deux Ombres différentes ont elles aussi fusionné en une seule et même personne, conservant les deux mémoires de leur passé respectif, mais qui ont désormais plus qu'un seul avenir. Si certains demeurent avec leurs identités de Mystarria, d'autres apparaissent parfois dans des endroits que les humains ignorent totalement. En effet, dans la forteresse de Rugassa, certains wyrlings s'éveillent à une nouvelle conscience, comme la jeune fille que le tourmenteur Cullossax doit tuer... mais qui est saisi d'un doute. Existe-t-il un monde où les seigneurs de la mort ne règnent pas comme elle l'affirme ?
Quant à Fallion, amené devant le seigneur Désespoir, il comprend que ce dernier n'est autre que le Seul et Unique Maître du mal, Yaleen, un locus responsable de la destruction de la Rune de la création, responsable de l'éclatement du monde parfait en d'innombrables fragments de mondes d'Ombre. Il ignore encore ce que Désespoir a prévu de faire afin de le faire céder : une rune dont Fallion ignorait l'existence jusqu'à ce jour, et une torture particulièrement habile.
Ce livre est le deuxième consacré au deuxième arc des Seigneurs des Runes, après celui centré sur le personnage de Gaborn Orden, roi de la Terre, qui a libéré les maraudeurs du joug d'une créature maléfique qui les contrôlait, un locus. Mais si le monde des runes à l'époque de Gaborn était surtout une question de quantité de runes pour devenir un "homme total", à l'exemple de Gaborn à la fin, ou de son adversaire à présent disparu Raj Ahten, les proportions ont été largement revues à la baisse suite à la fusion des mondes d'Ombre. En effet, il n'y a guère de sang-métal disponible. Du coup, les humains ont été lourdement battus à Caer Luciare... Cependant, la différence entre les deux arcs ne s'achève pas là. Si nous avions une lutte entre des pays voisins dans les premiers opus de la série, celle-ci est devenue par la suite la résistance face à de dangereux prédateurs, les maraudeurs. À la fin du quatrième tome, Gaborn comprend que son rôle de roi de la Terre l'a amené à combattre un puissant esprit du mal, appelé Locus. Dans cette deuxième partie du récit, nous en apprenons beaucoup plus sur les locus et leurs homologues du bien, les éclats, ainsi que sur les raisons de leurs luttes.
Ce passage vers un côté plus mythologique dans le monde de David Farland n'est pas spécialement nouveau dans les romans de fantasy. On peut notamment penser à la deuxième partie des Princes d'Ambre, de Roger Zelazny, qui avait apporté une cosmologie bien plus poussée dans l'arc Merlin que dans celui de Corwyn. De même, si la Belgariade de David Eddings ne citait que l'Orbe d'Aldur, sa suite, la Mallorée, apporte le Sardion, son opposée dans la prophétie. Ces exemples ne sont évidemment pas les seuls, mais bien représentatifs du changement de la trame de cette série.
Autant dire que si j'ai été surpris, ça a plutôt été par le changement de ton du récit plutôt que par les choix effectués. Le côté positif, c'est que cette suite ne reproduit pas les mêmes événements que la première partie. Par contre, l'ajout d'autant d'éléments en aussi peu de temps (enfin de pages, deux volumes en ce qui me concerne) et largement plus surprenant, voire un peu déroutant.
Néanmoins, ce septième opus permet de retrouver quelques noms connus, et retrouve vers la fin certains aspects, y compris stratégiques dans les conflits, qui sont pour moi des éléments clés des livres de David Farland, ceux qui m'ont fait aimer immédiatement cette série dès sa sortie en France. Au final, j'ai lu cette suite avec grand intérêt, et si j'ai pu être perdu un moment, je suis vite retombé sur mes pieds, et apprécié en conséquence ma lecture, malgré un goût de trop peu (445 pages contre 667 dans le tome 4, La salle des ossements).
Je lirai la suite sans aucun doute.