Les Chroniques de l'Imaginaire

1967 (L'homme de l'année - 4) - Lupano, Wilfrid & Séjourné, Gaël

Nous sommes en octobre 1967, dans la jungle bolivienne. Mario Teran est un gamin enrôlé dans la guérilla. Il s'enfonce dans la jungle avec ses camarades, afin de débusquer le dénommé Ramon. Le gamin est tenaillé par la peur et par la colère lorsqu'il voit deux de ses camarades tomber froidement sous les balles, dont un autre jeune garçon appelé également Mario. Heureusement pour lui, Mario Teran parvient à survivre, et même à être félicité par ses pairs et ses supérieurs, puisque l'opération est un succès : Ramon est entre leurs mains.

Le Ramon en question est donc maintenant un prisonnier de guerre. Et un prisonnier d'une grande valeur apparemment, étant donné qu'il se permet de cracher sur les supérieurs de Mario Teran, pourtant réputés comme étant très durs, et sanguinaires à l'occasion. Ramon est un être cultivé, issu de bonne famille, et devient un être bien plus doux lorsqu'il s'adresse, gentiment, à l'institutrice de ce petit village très pauvre. Ramon est là pour des idées. Il sera bien plus connu dans le monde entier sous le nom de Che Guevara.

Les choses vont mal tourner pour le Che, qui sera sommairement exécuté, et ce par Mario Teran, qui s'est désigné volontaire auprès du général de passage. Bien évidemment, aucune des promesses qui lui a été faites ne sera tenue, et Mario vieillira avec cette image de sa victime célèbre, qui viendra maintenant le hanter jour et nuit...

En 1981, le bourreau un peu forcé a bien vieilli. Il s'inquiète de voir que tous ceux qui étaient impliqués dans la capture et la mise à mort du Che meurent les uns après les autres, dans des circonstances bien souvent étranges. Mario le sait : il est le dernier sur la liste de ce qu'il considère être une malédiction. Ses cauchemars deviennent de plus en plus réalistes, et Mario devient insupportable pour son entourage. Un pèlerinage vers les lieux de l'exécution va tout changer...

Nous en sommes au quatrième tome de L'homme de l'année, après avoir visité d'autres époques. De quoi revisiter l'Histoire en la passant au crible d'un individu qui se trouve au centre des débats, à la différence de la série Jour J, qui fait plus dans l'uchronie. La formule est cependant sensiblement la même sur la forme, avec un scénariste et un dessinateur différent pour chaque tome. C'est ici Wilfrid Lupano (Alim le tanneur, Azimut, L'assassin qu'elle mérite...) qu'on retrouve au scénario, alors qu'il n'a pas forcément l'habitude des séries historiques, et Gaël Séjourné (Tatanka, L'appel des origines) au dessin (l'homme ayant déjà prêté ses crayons à un tome de Jour J également).

Ce livre, qui constitue un one-shot comme ses prédécesseurs donc, est découpé en deux, entre la révolution de 1967 qui aboutit à la mort très médiatisée de Che Guevara, et les années de vieillesse du bourreau en question. L'homme est pour le moins humanisé dans cette seconde partie, pour devenir un vieillard compatissant et plein de regrets : peut-être pas la réalité du personnage réel, mais en tout cas de quoi faire encore une fois une excellente histoire qui alimentera le neuvième art...

Ce quatrième tome, en tout cas, restera parfaitement accrocheur, et se lira d'une traite, sans qu'il soit vraiment possible de le lâcher. Le récit fait la part belle aux personnages, charismatiques à souhait, et à leurs expressions, qui les rendent si crédibles. Mention spéciale pour le Che, évidemment, parfaitement réussi de la part de Séjourné, grâce à des regards bien souvent profonds. Les planches sont ainsi parfaitement soignées, et les décors, notamment dans la jungle, ne sont pas en reste, permettant une immersion totale du lecteur dans cette histoire, et ce dès le départ.

Un tome réussi, dans la veine de toute la série, qui a pour moi une qualité supérieure à ce qu'on peut trouver en général dans Jour J : pas besoin d'être un féru d'Histoire, ou un spécialiste d'une époque en particulier pour apprécier. Un moment à la fois de détente, de plaisir, et d'apprentissage !