A la fin des années quatre-vingt, Baltimore est l'une des villes les plus dangereuses des États-Unis. La cité portuaire est un gigantesque supermarché de la drogue et les taux de criminalité envers les personnes et les propriétés sont particulièrement élevés. En 2012, on y compte toujours près de deux meurtres ou assassinats tous les trois jours. Un journaliste local, David Simon, s'est plongé une année entière au sein de la brigade de la police criminelle de Baltimore. L'auteur nous présente ce reportage colossal sous la forme d'un document qui, compte tenu de sa triste réalité, tient plus du roman noir que du thriller.
Simon a passé l'année 1988 avec l'élite du service de police de Baltimore : trois équipes de cinq inspecteurs, dirigées chacune par un sergent superviseur qui répond à un unique lieutenant dirigeant. Un quinzaine d'hommes pour faire face au crime d'une ville de plus de six cent mille habitants, pauvres, peu éduqués, armés et prêts à tuer leur voisin pour dix malheureux dollars. La tâche est immense pour des policiers débordés, haïs par la population et peu soutenus par leur hiérarchie, la justice et la mairie, mais obligés de suivre les règles incohérentes édictées par les représentants du peuple et d'obtenir des résultats.
L'auteur nous met en face du vrai travail de police. Il nous rappelle que ce n'est pas de la rigolade ou des machines qui bipent comme dans NCIS ou Les experts, que l'administration ne peut pas, ne veut pas payer les heures sup' d'un officier pour élucider un meurtre non médiatisé. Le monde réel est dur, sans pitié pour les faibles et personne ne viendra sauver la victime avant la fin de l'épisode.
Il ne faut pas voir Baltimore comme un simple roman ou de la propagande à l'égard de la police. Il n'est ni l'un, ni l'autre. C'est un reportage analytique qui n'est pas spécialement divertissant. Simon décortique et analyse le travail des forces de l'ordre, de ses hommes, de leurs contraintes et des crimes qu'ils doivent résoudre. Son travail est très intéressant mais demande beaucoup de concentration au lecteur qui va devoir s'adapter à la découpe particulière de livre, à la variété de ses personnages (réels), à sa taille (peu ergonomique pour un livre de poche) ou son approche assez sèche, semblable à une thèse dotée, étrangement, de dialogues.
Heureusement, le lecteur est récompensé pour son assiduité. Simon rend son uvre globalement vivante et certains passages, comme l'explication du déroulement des interrogatoires, sont des bijoux. De plus, les amateurs de littérature noire devraient apprécier.
Néanmoins, ce livre date, l'éditeur aurait pu le mentionner clairement sur la quatrième de couverture, et ne conviendra qu'aux passionnés, ceux qui veulent connaître le fonctionnement et la vie d'une unité de police criminelle. Je ne conseille pas Baltimore aux autres qui risquent d'être vite découragés, d'autant que de vrais romans réalistes sur le travail de la police existent et sont bien plus agréables à lire, ceux de Wambaugh par exemple.