C'est le récit d'une Amérique qui a perdu ses valeurs, qui a sacrifié une génération complète sur les autels des dieux Dollars et Pétrole. Deux menteurs, avides de sang et d'âmes. C'est le récit de ces fils et filles de la nation qui pensaient se battre pour une cause juste et qui se retrouvent malades et perdus. La guerre laisse des traces indélébiles sur les Hommes, des traumatismes psychiques et physiques. À travers la caméra d'Olivier Morel, dans un premier temps, avec l'excellent documentaire L'âme en Sang dont je parlerai en fin de chronique, puis par les rushs et interrogations parfaitement mis en dessins par Maël, nous assistons impuissants à la souffrance de ces Hommes. Nous avons ici probablement le Maus du vingt-et-unième siècle. Un témoignage d'une force et d'une dureté absolues mêlées à des dessins d'une beauté incomparable. J'ai rarement connu BD aussi poignante.
Cette BD est un choc pour moi, je ne vais même pas essayer une analyse car de nombreuses personnes beaucoup plus douées et intelligentes que moi l'ont déjà fait. J'ai du ré-écrire cette chronique six ou sept fois avant de la livrer telle que vous allez la lire. Cette uvre en est venue à bouleverser ma vie quotidienne en me laissant un vague à l'âme, dont j'ai mis du temps à me remettre. Elle m'a parlé et m'a fait me remettre en question, elle m'a poussé à affronter mes douleurs et mes peines, mes fantômes du passé. Bien que la douleur que je peux avoir dans ma vie de citadin bien loin de la guerre et de la mort que les soldats ressentent au quotidien, j'ai pu avoir un soupçon de ce qu'ils peuvent vivre car la plume de Morel et le trait de Maël retranscrivent parfaitement l'âme humaine. La douleur de ces pauvres soldats partis en enfer, mais qui n'ont pas eu la chance de trouver un Virgile pour les guider est palpable à chacune des pages.
Le paradoxe de cette BD tient dans le fait que en dépit du malheur sur chaque visage dessiné, le récit de ces Hommes est rempli d'humanité. Humanité dans ce qu'elle a de plus bestiale, comme la colère, mais humanité aussi car il y a de l'espoir pour quelques uns d'entre eux.
Et que dire du trait de Maël, qui pour moi a sa place parmi les plus grands dessinateurs de notre temps rien qu'avec cette BD. Maël, dont j'ai eu la chance de me faire dédicacer cette uvre par ma Juliette que je salue et remercie du fond du cur pour cela, qui souligne parfaitement l'âme humaine et surtout l'âme de Morel en proie au doute et au questionnement sur le bien fondé de ce documentaire.
Le récit est dur, la fin est d'une mélancolie extrême, les derniers mots sont bouleversants de tristesse et je mets au défi quiconque de ne pas pleurer avec la dernière phrase, qui donne l'envie et le devoir de se rebeller contre ceux qui nous gouvernent.
Je vais parler un peu du documentaire L'Âme en Sang que je ne saurai trop vous conseiller. Il est de ces documentaires qui vous retournent et vous chamboulent, il est lui aussi très dur et représente un des plus beaux plaidoyer contre la guerre dans toutes ses formes.
Bref, un chef-duvre absolument magnifique qui mérite amplement d'obtenir toutes les récompenses possibles et imaginables du monde littéraire.