Ce numéro d'automne, le 48, de la revue Alibis, est encore une fois un bon cru.
Seulement trois nouvelles dans ce numéro, mais elles sont toutes les trois plus longues que d'ordinaire, et de bonne facture.
Le couteau à cran d'arrêt de Yasuko Thanh
Un condamné à mort raconte ses derniers jours, les mêlant à ses souvenirs. C'est finement raconté, avec une belle approche, on se laisse emporter par l'écriture fluide de l'auteur. Sans jamais tomber dans le sentimentalisme, elle nous fait vivre avec émotion, mais sans prendre parti, les derniers instants de ce jeune homme délinquant qui se retrouve là parce qu'il a tué un homme.
Cette nouvelle a remporté le prix Arthur-Ellis 2013 de la nouvelle.
L'injonction de Hugues Morin.
Monsieur Nadeau voit surgir chez lui, un beau matin, à l'heure du déjeuner, deux hommes qui prétendent être de la police, et avoir en leur possession une injonction leur permettant de l'interroger.
Comme il n'a aucune idée de la raison de cette injonction, il proteste, et on l'emmène au commissariat. Là il va être interrogé longuement, avec comme leitmotiv "on a une injonction". On se pose des questions, pourquoi lui, qui sont ces policiers, que se passe-t-il ?
C'est rythmé, dynamique, rondement bien mené jusqu'à une fin hélas un peu décevante à mon goût.
Parce que, Paulina de Camille Bouchard
Don Juan est le fidèle lieutenant d'un grand chef de la mafia. Celui-ci est menacé de mort par une bande rivale qui veut marquer le coup en détrônant le maître incontesté. Sa famille est menacée, sa femme, sa mère, ainsi que ses enfants. Le capo conçoit un plan audacieux où sa femme et sa mère vont servir d'appâts pendant que Juan ira discrètement mettre les enfants à l'abri.
Mais bien sûr, rien ne va se passer comme prévu. La fin est remarquablement bien dosée, sans vraiment de "happy end" qui aurait pu faire retomber le soufflé, mais sans être non plus trop noire.
D'une écriture maîtrisée, et très agréable à lire, cette nouvelle surprend au départ par le parti pris de l'auteur : la raconter à la deuxième personne du pluriel et si cela étonne dès la première phrase : "Ce soir-là, don Juan, vous descendez les marches qui mènent à la salle de jeu", on s'y habitue très vite car cela donne un rythme particulier à cette histoire. On est avec Juan, sans être vraiment dans ses pensées.
Dans cette nouvelle, la seule chose que je n'ai pas aimée, c'est son titre qui me semble bien faiblard en rapport avec la force dégagée par l'ensemble.
Deux articles intéressants :
Scène de crime, quatre écrivains à "Parthenais"
Claire Cooke, Jean Lemieux, Jean-Jacques Pelletier et Richard Ste-Marie sont autorisés à visiter le Laboratoire de la rue Parthenais à Montréal, là où la science tente d'élucider les crimes. On va leur expliquer les différentes techniques et visiter les lieux : la morgue, la salle d'autopsie, beaucoup plus banale que dans les séries policières, le service toxicologie, la chimie judiciaire, la biologie, la balistique, les documents, les explosions et les incendies, la médecine légale, les projections de sang, l'imagerie, tout y passe.
Tout est raconté, analysé, décrit, comme dans une enquête.
C'est un article instructif, intéressant, agréable à lire.
Conversation avec Jacques Savoie de Pascale Raud
L'auteur Jacques Savoie fait des infidélités à son genre littéraire et a décidé de se fourvoyer dans le polar. Le succès est au rendez-vous et l'écrivain envisage plusieurs tomes à ses aventures policières.
Pascale Raud lui pose les bonnes questions et Jacques Savoie nous explique comment on devient sans le vouloir écrivain de polar.
C'est une interview vivante, sympathique, qui donne envie de lire les romans de cet auteur.
Et pour finir, les rubriques habituelles :
Camera oscura de Christian Sauvé
Avec son talent habituel, Christian Sauvé illustre, avec une dizaine de films, la réflexion suivante : "Est-il préférable de voir un film qui s'avère à peu près exactement ce qu'il s'annonçait être, même si ce n'était rien d'ambitieux, ou bien de voir une tentative bâclée de sortir des sentiers battus, même superficiellement ?"
Toujours aussi agréable à lire, même si on n'a vu aucun des films traités !
Le crime en vitrine de Norbert Spehner
Cette rubrique présente en quelques mots les dernières sorties de policiers, avec parfois un petit commentaire savoureux.
Dans la mire (différents auteurs)
Ici, les livres sont un peu plus décortiqués, les critiques sont plus longues. Chaque chroniqueur justifie son choix, son appréciation. C'est là aussi toujours agréable à lire.
Une trentaine de polars sont ainsi présentés.