Tout commence par une véritable tragédie pour Harmond Ellmander, un ancien chevalier du roi, déchu depuis peu. Harmond a l'interdiction de revoir sa femme, Erline, et ses propres enfants, dont sa fille, la petite Helmia. Beaucoup attendaient l'exil pour Harmond, mais le roi en a décidé tout autrement, en en faisant un questeur, un homme qui restera dans le royaume, mais uniquement dans les bas-fonds, à enquêter sur les crimes les plus sordides, sans pouvoir ne serait-ce qu'adresser la parole aux personnes nobles.
Une vraie punition pour Harmond ? Assurément. Mais l'homme, qui se fait appeler H.Ell à présent, se jure de retrouver la place qui était la sienne il y a encore peu. Et pour cela, il sait qu'il devra enquêter avec le plus grand sérieux sur les événements qui secouent les dessous de ce royaume. A commencer par un meurtre sordide, pas le premier apparemment, qui a eu lieu sur une prostituée, un soir où le bordel en question était pourtant plein.
Le cadavre est privé de nombreuses parties de son anatomie, qui ont été comme dévorées. H.Ell ne peut s'empêcher de profiter de son droit de passage sur les prostituées, pour se retrouver seul avec une mystérieuse nayade, c'est-à-dire une femme capable de prendre n'importe quelle forme. Cette dernière est d'ailleurs interloquée lorsque H.Ell lui demande de prendre tout simplement de prendre la forme de Erline, son épouse. Une grande première chez ses clients !
Rapidement, H.Ell se rend compte, même si tout est fait en haut lieu pour le priver de cette enquête, qu'une autre nayade semble impliquée dans ces meurtres. Une nayade qui aurait des transformations bien plus sauriennes, et qui n'hésite pas à s'attaquer aux nobles également. Raison pour laquelle les nobles semblent souhaiter un changement de questeur pour cette enquête. D'autant que l'un d'entre eux profite maintenant d'Erline, lorsque celle-ci accepte de donner son corps...
Ce sont deux auteurs de renom que l'on retrouve ici, en la personne de Stephen Desberg au scénario, et de Bernard Vrancken (IR$) au dessin. La première chose qui frappe dans un premier temps est d'ailleurs la beauté froide, et le réalisme des planches de Vrancken, qui ont fait l'objet d'une exposition chez Daniel Maghen. Vrancken n'hésite pas ici à utiliser de grands aplats de noir, histoire de renforcer le côté glauque d'un thriller ayant lieu dans les bas-fonds. Nous sommes dans des endroits malfamés, et les auteurs tiennent à nous le rappeler à chacune des planches.
L'effet est d'ailleurs tout à fait inversé, dans les planches bien plus chaudes où la jolie nayade apparaît sous les traits d'Erline, aux bras de Harmond Ellmander. Un contraste saisissant, qui ferait presque penser aux trait de Philippe Delaby dans certaines planches de Murena, même si la comparaison s'arrête là, bien évidemment.
Un premier tome intéressant, réussi par son côté sombre : un thriller qui se déroule dans des temps reculés, et qui mêle du fantastique à un côté plus historique. De quoi faire plus qu'éveiller la curiosité, étant donné l'excellent moment à parcourir ce tome : vivement la suite !