Les Chroniques de l'Imaginaire

L'art du chevalement - Phang, Loo Hui & Dupuy, Philippe

Orféo est un mineur, plus exactement ce qu'on appelle un meneux d'quéviau, c'est-à-dire un meneur de chevaux, ces animaux qui avaient un rôle essentiel dans les galeries à l'époque. Un animal qui, lui, ne remontait bien souvent jamais, sauf lorsqu'il avait passé plusieurs années sous terre, pour mourir de silicose à la surface. Les chevaux étaient principalement utilisés pour tirer des wagonnets mis bout à bout, et remplis de charbon à trier. Une masse de plus de neuf tonnes à déplacer à chaque fois...

Pour le moment, donc, Orféo et son cheval fétiche remontent enfin à la surface, pour y découvrir un monde bien différent de l'habitude. Le mineur se promène dans ce qui est bel et bien un musée, racontant à son cheval tout ce qu'il peut voir dans ces grandes galeries lumineuses, qui laissent tout de même voir les terrils des environs.

Bientôt, Orféo est rejoint par une oeuvre d'art, puis une autre, puis bientôt des dizaines. Toutes sont particulièrement intéressées par les histoires du passé, racontées par l'ancien mineur. Un être hors du temps qui s'émerveille de ce qui l'entoure aujourd'hui... Un être qui s'abandonne dans son passé, son métier, la conquête de sa belle, Yvette, devenue veuve bien trop jeune...

L'art du chevalement est un livre qui vient à sortir chez Futuropolis, dans la fameuse collection du Musée du Louvre, un peu comme ce qu'on a pu rencontrer avec Période glaciaire de Nicolas De Crécy, qui avait ouvert le bal en 2005, suivi notamment par Aux heures impaires (d'Eric Libergé) en 2008. Ici, la différence est que le livre parle bien évidemment du Louvre Lens, qui vient de souffler sa première bougie.

L'éditeur n'en est pas à son premier hommage sur la communauté des mineurs, avec le récent et très beau Sang Noir, de Jean-Luc Loyer, qui racontait déjà la catastrophe de Courrières en 1906, de façon bien plus réaliste et dramatique.

Dans L'art du chevalement, Philippe Dupuy nous offre un dessin épuré, qui fait dans le contraste entre les galeries illuminées et les tunnels sombres et souterrains de l'époque des mines. Le contraste est également mis en avant au niveau du récit, avec ce jeune mineur, Orféo, sorti du temps pour représenter la communauté des mineurs, dans une vision onirique et sans doute un peu édulcorée, en découvrant ces différentes œuvres d'art issues des fouilles dans le monde entier.

L'histoire est ainsi très belle, empreinte d'une grande humanité, et c'est là tout le mérite que l'on peut attribuer à Loo Hui Phang, une auteure qui a pourtant grandi en Normandie, pas tout à fait autour des chevalets, comme cela pouvait être le cas de Jean-Luc Loyer. Une lecture que les gens du cru apprécieront sans nul doute grandement, et qu'il sera plus qu'intéressant de découvrir pour les autres lecteurs : à l'évidence un beau cadeau pour les fêtes !