Été 1914. Un paquebot en route pour New-York fait naufrage avec à son bord Grace Winter, une ambitieuse jeune femme ruinée par un revers de fortune familial. Elle vient de mettre la main sur un riche banquier, Henry Winter, et de l'épouser à Londres. La lune de miel ayant été écourtée par le début de la guerre, le jeune couple a pris place à bord de l'Impératrice Alexandra pour regagner New-York. Le naufrage met fin à leur idylle car seule Grace trouve place à bord d'une chaloupe de sauvetage, avec trente sept autres passagers. Bien trop chargée, la frêle embarcation ne tarde pas à prendre l'eau, et ses occupants à comprendre que s'ils veulent survivre, ce devra être au prix de la vie de certains d'entre eux.
Commencent trois semaines de soif, de faim, de froid, d'épuisement et surtout de terreur : il règne à bord une ambiance de suspicion et les coups bas et manipulations vont bon train. Les plus faibles cherchent la protection des plus forts qui tentent par tous les moyens de garder leur place de chefs. Au sein de cette étrange communauté, le rôle de Grace n'est pas bien défini : elle affirme n'avoir rien fait pour gagner sa place au sein de la chaloupe, pas plus qu'elle ne prétend prendre part à ces jeux de pouvoir. Pourtant, quand un navire de pêche vient enfin au secours des rescapés, après vingt et un jours de calvaire, Grace fait partie des survivants et beaucoup d'autres sont morts. De retour sur la terre ferme, elle va devoir affronter un jury et les convaincre de son innocence dans le drame qui s'est joué.
J'attendais beaucoup de ce livre dont l'intrigue alléchante promettait une plongée dans l'esprit humain et dans ce qu'il cache de moins reluisant. Jusqu'où est-on prêt à aller pour survivre ? Je m'attendais à le découvrir par le biais du récit de Grace, l'ambivalente survivante. Or le personnage est si fuyant et d'une telle mauvaise foi qu'on ne perce à aucun moment le mystère de ce qui a pu se passer sur la chaloupe. C'est sans doute un parti pris de l'auteur qui nous offre ainsi un roman réaliste - après tout, dans la vraie vie, on n'obtient que rarement les réponses que l'on attend - mais un peu frustrant pour qui voudrait voir le mystère résolu dans sa totalité.
D'autant que Charlotte Rogan a choisi de fonder son récit sur la parole de Grace, et que Les accusées commence avec le procès, plusieurs mois après le naufrage de l'Impératrice Alexandra. Là non plus, qu'on se s'attende pas à connaître les causes de l'explosion qui a coulé le paquebot. Pas plus qu'on ne saura le fin mot de l'histoire sur les problèmes de communication que l'équipage semble avoir rencontré avec le continent avant la catastrophe.
Bref, ce roman promet beaucoup et offre bien peu. L'écriture est agréable, le rythme lent et l'ambiance oppressante, mais l'obscurité de la confession du personnage principal et l'absence de résolution de la problématique qui ouvre l'intrigue laisse le lecteur sur sa faim. C'est très frustrant. On ferme ce livre avec une impression désagréable de trop peu, voire de tromperie.