Les Chroniques de l'Imaginaire

Le labyrinthe d'Osiris - Sussman, Paul

Une femme est assassinée dans la cathédrale arménienne de Jérusalem, l’enquête est confiée à une brigade de la police criminelle de la ville. L’animosité règne entre les membres de l’équipe et chacun veut tirer la couverture à soi. L’inspecteur Arieh Ben Roi fait équipe avec Dov Zisky, un jeune policier homosexuel très mal vu de ses collègues, mais il l’apprécie rapidement pour ses qualités. Arieh est chargé de découvrir l’identité de la victime. Il est par ailleurs séparé de sa compagne enceinte, qu’il aime, mais étant marié à son travail avant tout, sa vie de couple a périclité et il y aura quelques tentatives de réconciliation tout au long du roman. Il découvre que la victime était une journaliste d’investigation de gauche très pugnace, qui a dénoncé de nombreux scandales et s’était mis la moitié du pays à dos. Au moment du meurtre, elle enquêtait sur la prostitution forcée des étrangères, une mine d’or en Roumanie, un ingénieur anglais disparu en 1931 et les agissements de la Barren, une multinationale américaine. Arieh essaie de remonter les pistes.

De son côté, l’inspecteur Khalifa de la police de Louxor enquête sur un empoisonnement de puits dont ont été victimes des familles coptes. Les voisins musulmans clament leur innocence, mais Khalifa a des doutes. C’est un homme juste et bon qui essaie de faire respecter la justice et qui souffre des inégalités qui marquent la société égyptienne, malgré une récente révolution qui n’a rien changé au fond des choses. Son chef n’apprécie pas sa façon de voir, mais il le ménage. On apprend par la suite que ces égards sont dus au fait que l’inspecteur a perdu son fils aîné quelques mois auparavant et que sa femme est dépressive depuis.

On suit également les agissements de quelques autres protagonistes dont un groupe de pirates informatiques et les dirigeants de la Barren. Ben Roi et Khalifa sont amis depuis une précédente enquête. L’israélien, dont l’enquête piétine demande à Khalifa de se renseigner sur l’ingénieur anglais disparu dans les années trente. Cela mènera à la découverte d’un fabuleux site antique dont on avait perdu la trace depuis trois mille ans, entre autres rebondissements.

Résumé ainsi, ce polar peut sembler plein d’actions et de rebondissements, mais cela ne concerne que la fin du livre. Le début est marqué par un ennui terrible. Il ne se passe rien à part le meurtre, on se perd dans les détails concernant les différents protagonistes. Le livre est en grand format, écrit en tout petits caractères et j’avoue m’être endormie plus d’une fois durant les deux cents premières pages, tant l’histoire semble partir dans tous les sens avec une profusion incroyable de détails. Arrivé à ce stade, le livre commence à devenir moins ennuyeux, même s’il ne devient intéressant qu’à partir de la moitié et ce sur environ cent cinquante pages. La fin est pleine de rebondissements, mais rien de très vraisemblable, ce qui plombe quand même le dénouement.

Le mystère archéologique n’est pas exploité et Khalifa trouve l’énigme en un rien de temps. Ce livre réunit tous les ingrédients pour faire un superbe thriller ésotérique, mais l’auteur n’a pas trouvé la bonne recette, il a sans doute péché par excès en voulant mettre trop d’éléments et finalement on se retrouve avec un livre qui n’arrive pas à démarrer en se perdant dans les détails, et qui finit de façon invraisemblable et rocambolesque, même si le milieu de l’histoire semblait sauver le roman. Donc c’est un livre très décevant, comme si vous alliez dans un restaurant étoilé et qu’on vous servait une boite de raviolis premier prix à peine tiède.

Après cette critique très dure, il faut quand même relever les points positifs: Les personnages, en particulier les deux principaux sont très bien travaillés et complets, ce ne sont pas des personnages en filigrane, on a l’impression d’avoir affaire à des personnes vivantes. D'un point de vue politique et social, la situation au Proche Orient sonne très juste, en particulier la haine entre juifs et musulmans, ainsi que les injustices en tous genres générées dans cette région toujours sur le pied de guerre. Le roman nous parle aussi de la toute puissance des multinationales et de la corruption qu’elles génèrent, et tous ces aspects sont très bien traités.

Je pense que les déficiences de ce livre viennent du fait que l’auteur a voulu traiter trop d’éléments, des situations trop complexes et il en résulte un fouillis qu part dans tous les sens et ne retient pas l’attention du lecteur. Durant la plus grande partie du livre, on a l’impression de lire une enquête journalistique réaliste et le changement de ton de la fin, avec un épilogue plutôt rocambolesque accentue l’impression de bâclage, comme si l’auteur ne savait plus comment terminer son livre dans lequel il est aussi perdu que son lecteur.

Je suis consciente de la dureté de cette chronique et je rappelle qu’il s’agit avant tout d’un avis personnel.