En 1945, Gilbert est un jeune homme plein d'espoir et d'allant. Il a vécu la guerre, participé à la Libération, et s'apprête à être réaffecté en Indochine.
On vient de lui attribuer une "marraine de guerre", et il espère que leurs échanges par écrit lui permettront de garder le contact avec la France, avec des êtres humains, avec une vie qu'il ne connaît plus vraiment. Les mots commencent, timides, hésitants, presque compassés. Il espère qu'elle va lui répondre, qu'elle lui enverra une photo d'elle, qu'ils s'apprécieront et qu'elle lui donnera des nouvelles du pays. Puis, au fil des lettres, le ton devient plus familier. Jusqu'au jour où, grâce à une permission avant son départ en Asie, Gilbert rencontre cette marraine, qu'il ose à peine appeler par son prénom, Francine. La lettre suivante, dix jours plus tard, commence par "Mon cher amour". Gilbert et Francine se sont fiancés. Mais il part en Indochine, et cette mission, qui ne devait durer que quelques mois, s'éternise. Gilbert découvre une guerre sale, sordide, un pays aux murs étranges, au climat moite, et une situation politique très différente de ce qui leur avait été annoncé et de ce que Francine lui rapporte des médias français. Il s'interroge, remet en question ses certitudes, sa place. Il voit des camarades mourir, la maladie faire des ravages, il se bat et s'ennuie. Mais toujours, il espère revenir bientôt en France et s'accroche à cet espoir comme à une ligne de vie. Il écrit à Francine presque chaque jour, même si le courrier met du temps à arriver.
Puis, un jour, tout change. Leur destin va basculer.
Ce témoignage ne présente que les lettres de Gilbert. On devine, à travers ses mots, les réponses de Francine, cette femme admirable que l'on ne découvre qu'à travers l'amour et les descriptions de son fiancé lointain. On sent le changement de ton progressif, le lien évoluer entre eux, la vision idéalisée que le jeune homme a de la guerre se nuancer, s'assombrir. On redécouvre le ton des phrases de l'époque, si loin de notre parler actuel, et on est plongés dans une période que l'on ne connaît finalement que très peu.
Maud Delavault a recueilli ces lettres d'un proche et les a retranscrites avec une fidélité et une affection qui se devine sans peine.
Le récit est entrecoupé de photos d'époques en noir et blanc, profondément émouvantes car, malgré l'absence de noms, on ne peut qu'imaginer Gilbert et ses compagnons au fil de leur guerre.
Il s'agit là d'un témoignage bouleversant, bien loin des romans et films de guerre que l'on connaît trop bien. Un texte profondément humain, qui parle plus du vécu au quotidien que des grands actes héroïques, et du courage, de l'abnégation d'un homme finalement comme tant d'autres.
Je suis heureuse d'avoir découvert ce livre.