Les Chroniques de l'Imaginaire

Rouge est le sang - Millar, Sam

Du côté de Belfast, Paul Goodman cherche du boulot. Goodman a une bonne vingtaine d'années et il vit toujours chez sa mère. Les temps sont durs et la suggestion reçue d'un pilier de bar n'est plus si révoltante. Goodman prend son courage à deux mains et se présente pour un entretien d'embauche à l'abattoir du coin.

Il est reçu par une secrétaire au regard pervers, passe la porte gardée par un cerbère fameux pour sa manière de briser la colonne vertébrale de ses victimes et entre dans le bureau de Shank, le patron, craint par ses ouvriers et redouté dans Belfast. L'interview se passe bien, Goodman est invité à visiter l'usine à viande. Le job est pour lui s'il accepte le baptême des petits nouveaux, cérémonie orchestrée par Geordie, massacreur de barbaque en chef...

J'ai été agréablement surpris par ce roman. Je m'attendais à un polar habituel se déroulant dans les cercles nord-irlandais et dans un climat de tension, voire de guerre civile, entre les catholiques et les protestants. Il n'en est rien.
Rouge est le sang est un drôle de conte glauque des temps modernes. Le conflit n'est que vaguement présent dans le décors du récit de Millar qui préfère se concentrer sur ses personnages, leur psychologie dérangeante et sur son ambiance sombre et angoissante, ce qu'il réussit plutôt bien. Tous les personnages ont une histoire et leurs raisons et je me suis étonné à ressentir de l'empathie pour la majorité d'entre eux qu'il s'agisse de monstres ou de gentils naïfs.

Bien que l'auteur ne verse pas dans le gore, il vaut mieux avoir l'estomac solide pour certains passages, les descriptions du temple de la mort industrielle qu'est l'abattoir sont captivantes et terrifiantes. Celles-ci apportent un fort contraste avec les scènes de la vie quotidienne du héros principal, qui a sa petite vie, sa passion pour le snooker et qui vient de tomber amoureux. Ce mélange rend ce récit humain, tout simplement.

Par contre, outre le côté, "j'étale mon savoir avec deux citations inutiles en début de chaque chapitre", le principal défaut de ce roman vient des scènes d'actions. Elles sont mornes, elles manquent de mordant et de tension. Certaines m'ont donnée l'impression d'être incongrues intruses. Heureusement, elles ne sont pas trop nombreuses et l'histoire reprend vite son rythme de croisière.

Rouge est le sang est une réussite, noire, glauque et captivante, somme toute, une jolie surprise.