Les Chroniques de l'Imaginaire

Que la belle meure (Azimut - 2) - Lupano, Wilfrid & Andréae, Jean-Baptiste

Tandis que la mère de Manie Ganza, Majesté de son état, en est à chasser les clepsigrues de plus en plus rares pour se nourrir de leur liquide, elle ignore que Manie, accompagnée d'une troupe de compagnons, se pose dans un mystérieux univers. Les lieux, que les couleurs semblent se refuser à inonder, appartiennent au bien gris et bien sombre Baron Chagrin. Ce dernier n'est pas immédiatement prompt à accueillir ses visiteurs, car il est sur le point de se délecter de sa musique préférée : des enfants, entre autres, qu'on massacre...

Le Baron Chagrin semble ainsi être quelqu'un d'éternel, et ne semble s'intéresser qu'à Manie, snobant littéralement les autres compagnons de la belle princesse. Notamment, son intérêt semble piqué à vif quand Manie parle des visites nocturnes de l'arracheur de temps, sans que ce dernier ne vole la moindre année de vie à Manie. Toujours est-il que les autres compagnons, notamment La Pérue, doivent faire face à tout un ensemble d'étranges créatures arachnéiformes.

Ailleurs, c'est le professeur Aristide Breloquinte qui planche sur les mystères du temps, ainsi que sur la disparition avérée du pôle Nord. Ce dernier semble être en fait personnalisé en la personne de Polo, un mignon lapin blanc qui se dit très vieux, et qui a quitté les neiges du Nord afin de retrouver coûte que coûte une magnifique jeune femme dont il a aperçu le portrait, et qui n'est pas si loin à présent. Leurs recherches vont les conduire dans un désert, où se cache une magnifique créature de sable.

Le premier tome d'Azimut, Les Aventuriers du temps perdu, nous avait fait une très forte impression, avec un nouvel univers teinté d'onirisme, où le Nord venait tout simplement de disparaître. On y croisait déjà d'étranges créatures, le plus souvent ailées, parfois tirant vers le steampunk, appelées les chronoptères. Ce premier tome faisait ainsi la part belle à une histoire pleine d'aventures et de voyages de Wilfrid Lupano, rehaussée par l'excellent bestiaire et les couleurs de Jean-Baptiste Andreae.

Autant être clair : ce second tome, très attendu, ne décevra nullement, bien au contraire ! Avant de démarrer le livre, il conviendra de s'attarder sur un premier bestiaire se cachant juste derrière la couverture. Les explications, rappelant les cours de biologie animale, ne sont pas sans faire hurler de rire le lecteur. Avant même de commencer, nous voilà déjà conquis.
Et puis, il y a ces planches, toujours aussi réussies. On reconnaît parfaitement le style du dessinateur de Terre Mécanique ou du bien plus grave et sombre La Confrérie du crabe. Ainsi, l'auteur a toute la latitude pour jouer avec des couleurs bien plus vives, et cela se ressent avec plaisir : par moment, on en viendrait presque à penser à des séries comme La Nef des fous, autant pour les couleurs que pour le côté déjanté, irrésistible, de la série. D'un autre côté, notamment chez le Baron Chagrin, l'auteur doit se priver de couleurs, pour privilégier les gris et les ocres, rappelant certains traits et certaines couleurs de Guillaume Sorel.
Dans les deux cas, Andreae nous régale, tout en restant au service du récit. Il n'est pas un personnage ou une créature, la plus petite soit-elle, qui ne respire le travail, la recherche, et le souci du détail.

Messieurs, un grand bravo pour ce très beau boulot, et sans vouloir vous mettre la pression, vivement le troisième !