Les Chroniques de l'Imaginaire

Le collier de la colombe - Alem, Raja

Un corps de femme, dénudé, le visage défoncé, a été abandonné à même le sol dans le passage Abourrouss, une ruelle tortueuse au cœur de la Mecque. L'inspecteur Nasser cherche l'identité de ce corps impossible à identifier et que personne ne réclame. S'agit-il de 'Aïcha, l'institutrice répudiée par son mari, ou encore de 'Azza, une jeune femme dont les hommes d'Abourrouss se disputent les faveurs ? Toutes deux sont portées disparues et Nasser plonge dans leur passé pour tenter de faire le lien entre elles et la femme morte. Pour ce faire, il dispose de nombreuses traces écrites : 'Aïcha entretenait une correspondance enflammée avec un allemand et, parmi les prétendants de 'Azza, Youssef s'étend sur ses sentiments pour sa belle dans son journal intime. Bien vite, Nasser, cet inspecteur taciturne et solitaire, se perd dans le tourbillon sensuel que les deux disparues soulèvent dans leur sillage...

Le collier de la colombe est bien plus qu'un polar. Il est aussi un ouvrage foisonnant, presque documentaire, qui dépeint la vie au cœur de la Mecque. C'est un univers complexe dans lequel le lecteur peut facilement se perdre, d'autant que l'auteur utilise une narration inventive et de nombreux changements de focalisation. Cet aspect prend le pas, pendant la majeure partie du roman, sur l'enquête policière. On se concentre plus sur la vie à Abourrouss, les transformations géographiques et idéologiques de la Mecque, et bien sûr, sur les questions des rapports hommes-femmes, de l'éducation des filles - vastes sujets... Dans cette société régie par des traditions puissantes et contraignantes, les personnages peinent à trouver l'épanouissement et se débattent dans leurs malheurs.

Le style de Raja Alem est élégant, imagé. Cette belle plume est aussi évocatrice que dénonciatrice et Le collier de la colombe, d'abord publié au Liban, vient seulement d'être autorisé en Arabie Saoudite.

Cet ouvrage réclame au lecteur une attention soutenue et une bonne mémoire pour ne pas se perdre dans les méandres de ses centaines de pages. Mais il vaut la peine d'être découvert, moins pour son intrigue policière que pour le portrait réaliste et actuel de la Mecque par une jeune femme qui en est originaire.