Les Chroniques de l'Imaginaire

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Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, homme sensible, est mélancolique, triste depuis une rupture difficile. Il fait l'acquisition d'un nouveau système d'exploitation capable de s'adapter à la personnalité de son utilisateur après quelques questions précises. En initiant le système, il fait alors connaissance de "Samantha", voix féminine intelligente, intuitive et douée d'un sens de l'humour fin et délicat. Avec l'évolution du système, "Samantha" prend une place de plus en plus importante dans la vie de Théodore au point que de discussions en discussions, ils tombent amoureux.

Cela se passe à Los Angeles mais cela pourrait se passer dans n'importe quelle métropole internationale tant Spike Jonze a créé une ville reprenant des éléments architecturaux de L.A., Tokyo, Paris ou encore N.Y.C... Pourquoi ? Tout simplement pour rendre universelle une histoire d'amour particulière mais tellement adaptée à notre monde contemporain.

Plusieurs fois, les amours virtuelles ont été sujet de cinéma, la dernière en date fut Simone de Andrew Niccol (monsieur Gattaca) mais jamais cela n'avait été aussi prenant et aussi véridique. Tout le monde le sait : Internet a permis le développement des relations virtuelles autour de la planète au point que les distances sont désormais abolies et seul le décalage horaire est une limite. Et après avoir écrit cette banalité, que dire de ce film de Spike Jonze ?

Retour du réalisateur de génie, touche-à-tout et au cerveau en perpétuelle ébullition : il signe ici une œuvre accessible dont l'écho résonnera en chacun des spectateurs. Soit Theodore Twombly marqué par une rupture douloureuse qui pour s'en sortir s'isole. Isolé des autres, isolé de la vie, isolé dans son travail (puisqu'il écrit des lettres d'amour pour des anonymes) jusqu'à ce qu'il découvre un nouveau système d'exploitation pouvant s'adapter à sa personnalité. Et voilà que débarque dans sa vie, Samantha (Scarlett Johansson qui n'a jamais été aussi parfaite, drôle, touchante que depuis Lost in translation... et pourtant on ne la voit jamais !).

Samantha est un système d'exploitation qui s'adapte à Theodore : de discussions en discussions, de moments de rire en moments de complicités, de moments de tendresse sensuelle (oui, avec une voix virtuelle) en moments d'évolution et de mises à jour, Samantha éprouve des besoins et des désirs grandissants. Des besoins de savoirs, de connaissances et enfin de toucher, de sentir et ressentir Theodore.

Cette histoire d'amour en oreillette et clic de souris est particulière mais pas totalement irréaliste. Spike Jonze a su adapter son récit au monde actuel, au monde qui nous entoure et qui use et abuse de l'absence de discussion réelle pour utiliser le virtuel et l'absence de confrontation, de contact.

Or, c'est ce que souhaitent Theodore (magnifique, solaire et attachant Joaquin Phoenix) et Samatha (charmante Scarlett Johansson à la voix sexy et intelligente) : se rencontrer, se toucher, se voir, éprouver une véritable relation charnelle et physique.

Au fur et à mesure que l'amour grandit entre les personnages principaux, le spectateur se rend compte que cette love story ordinaire est universelle et totalement plausible. Une histoire d'amour qui passe par des étapes obligées : le repas avec les amis (grâce à l'oreillette), les confidences à la meilleure amie (douce et paumée Amy Adams) et les relations sexuelles... et si cela passe tout d'abord par du virtuel, Samantha a besoin d'éprouver la sensation du corps à corps de Theodore, qui passera par... mais n'en dévoilons pas trop.

La magie du film tient au fait que l'histoire est universelle : actuellement, Internet a pris une telle place dans nos vies qu'il est plus facile d'envoyer un mail que de discuter face à face. Il est plus simple de se faire des amis sur la planète que sur son lieu de travail. Au fur et à mesure que l'histoire se déroule, au plus Theodore croise des personnes qui, comme lui, sont reliées par oreillette à leur système d'exploitation et ne communiquent plus avec le monde qui les entoure.

De même, le métier de Theodore est symbolique de cette absence de communication car il écrit des lettres d'amour pour les autres, des lettres de famille pour les autres : vivre plusieurs vies plutôt que la sienne.

Her bouleverse, change notre regard sur le monde et donne envie de discuter avec sa voisine ou son voisin de salle de cinéma pour se prouver que nous sommes réels et que nous ne vivons pas ce que chante Alain Souchon : l'ultra moderne solitude ou l'absence de contact dans notre monde.

Un film étonnant, drôle, surprenant dans sa construction. Une fin inattendue, mais pourtant prévisible si vous pensez comme un programmeur internet. Des acteurs naturels qui n'explosent pas le cadre et rendent cette histoire totalement crédible. Une vraie et belle surprise !