Ramon Hache est sur le point d'arriver avec son chargement dans la ville de Bibelosse, lorsqu'on lui coupe la route ! Son chargement, composé de très grandes lettres destinées à faire des enseignes, est par terre, et le malheureux va devoir faire sa livraison à pieds, une lettre A sous le bras. Le village semble désert, à l'exception d'un garçon muet qui donne des directives en écrivant sur un mur.
Et pour cause : l'ensemble des habitants de Bibelosse se retrouve dans une vous, où une joute verbale est sur le point de démarrer. Deux personnages s'affrontent ainsi, en vers, et c'est le Maître, Donald Fraser, un individu cul-de-jatte, qui finit par l'emporter avec brio, sous les bravos et l'admiration de la foule. Ramon Hache, quant à lui, continue sa route, en parvenant à trouver son client, Monsieur Tézorus, un être encore une fois bien étrange qui ne s'exprime que par des définitions du dictionnaire.
L'atmosphère est donc bien étrange, dans cette petite ville... Et bientôt, elle va devenir dramatique, lorsque Donald Fraser sera retrouvé par Ramon Hache, proprement pendu et noyé à la fois au fond d'un puits ! Alors, meurtre ou suicide ? C'est un inspecteur de l'extérieur qui est charge de l'enquête : encore un personnage étrange, que l'on va suivre dans ses interrogations des habitants, tous écrivains au demeurant, de Bibelosse...
Et chacun en prend pour son grade dans ce one-shot de François Ayroles. L'auteur joue avec un immense talent avec les vers, les mots, et même les lettres, dans cette histoire délicieusement déjantée. Chaque personnage est étrange, certes, et le vrai tour de force réside dans les jeux de langages, avec des personnages qui parlent chacun en employant une seule voyelle, d'autres qui riment comme ils respirent, ou d'autres encore qui mélangent les lettres comme dans un scrabble...
Il faut croire que l'on aime les mots lorsqu'on se nomme Ayroles, un peu comme Alain Ayroles qui nous l'a déjà bien montré dans De Cape et de Crocs. Ici, Une affaire de caractères ne déroge pas à la règle et constitue un petit bijou d'inventivité et d'hymne à la langue française. Les dessins, très ligne claire, sont mis en valeur avec des couleurs sobres qui conviennent parfaitement : une neutralité qui met en avant la simplicité du trait, qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler certains personnages d'Hergé (les clins dil à Tintin sont d'ailleurs bien présents).
Une très belle découverte donc, à mettre entre toutes les mains qui souhaitent se délecter d'une bande dessinée parfaitement intelligente !