Les Chroniques de l'Imaginaire

Féerie pour les Ténèbres (Féerie pour les Ténèbres - 1) - Noirez, Jérôme

Caquehan, cité envahie peu à peu par l’inexorable Technole qui crache des flots de rebuts d'un passé révolu. C'est là que l'on fait la connaissance de divers personnages.

Obicion, officieur de justice royal, enquête sur l'assassinat d'une jeune fille retrouvée nue, les articulations fracassées, la gorge ouverte et les globes oculaires arrachés et laissés là, un peu plus loin. Étrangement, aucune vermine n'a attaqué le corps, pourtant laissé à l'abandon. Et un examen plus attentif révèle à Obicion l'impensable : les os de la jeune fille sont en plastique.

Estrec a été féeur au service du pouvoir royal pendant cinq ans avant que les nouvelles lois ne le poussent au chômage. Depuis, il laisse chaque soir son esprit choir dans l’En-dessous, au milieu des rioteux, qu'il ne craint pas. Mais ce qu'il découvre ce soir l'épouvante au-delà de toute raison. Qu’est-ce que ce magma malfaisant doté de cent trente et une bouches ?

Malgasta, de retour à Sponglieu après avoir navigué pendant cinq années, est bien décidée à prouver à ses amis que le monstre censé hanté le grand aqueduc n'existe que dans leur imagination. Malheureusement, si elle ne rencontre point de monstre, elle est arrêtée et présentée au prévôt de Vicerince qui lui propose un noir marché qui la mène à Caquehan.

Grenotte et Gourdou sont deux orphelins à la charge de la collégiale Sainte-Cadacace-la-sept-fois-pestiférée. Débordants de vie, ils sont volontiers désobéissants, jusqu'à la bêtise de trop qui pousse la mère supérieure à les menacer d'adoption. C'en est trop pour les enfants qui s'enfuient.

Tous ces protagonistes ne le savent pas encore mais ils naviguent tous autour d'un même mystère qui pourrait bien remettre en cause le monde tel qu'ils le connaissent.

Pas simple d’aborder l'univers crée par Jérôme Noirez. Celui-ci est dense, chaotique, baroque et rien n'est fait pour nous faciliter l'apprentissage. On se croirait tour à tour dans un monde moyenâgeux ou dans un cauchemar post-apocalyptique. Toujours est-il que, petit à petit, on se laisse gagner par la sombre atmosphère du récit et on se retrouve englué dans la lecture sans pouvoir s'en échapper. Juste au moment où on pensait abandonner devant la difficulté, on se retrouve pris au piège.
L'auteur nous offre une vision sombre, poisseuse, malfaisante d'un monde étrange où chacun vit comme il le peut. La multiplicité des personnages, l'invention de nombreux termes, la poésie du texte, tout concourt à nous perdre et dans le même temps à nous conquérir.

L’auteur multiplie les points de vue, les personnages, mais on s'aperçoit au fil des pages que tous partagent une aventure commune, même si ils ne se rencontrent pas. Il est impossible de rester insensible au style de Jérôme Noirez, même si je ne l'apprécie peut-être pas à sa juste mesure. Mais il faut reconnaître qu’il excelle dans l’art de créer un univers, une atmosphère et de nous y plonger. Le roman, premier tome d'une trilogie, est complété par trois courtes nouvelles ayant pour lieu le même univers.

Entreprenez, si vous l'osez, le voyage vers Caquehan. Une chose est sûre, vous n'en sortirez pas indemne.