Quelle mouche a bien pu piquer Daniel Pennac ? Écrire le journal d'un corps, en voilà une drôle d'idée ! Pourtant, connaissant l'écrivain, on ne peut douter qu'il va réussir à rendre ce journal infiniment plus intéressant qu'une simple suite d'observations corporelles.
Lison, la fille de l'auteur du journal, trouve en rentrant de l'enterrement de son père une lettre venant d'un notaire. Il se trouve que son "papa" a choisi de lui léguer un ouvrage qu'il a commencé très tôt dans sa vie, le journal de son corps. Enfant, chez les scouts, une mésaventure lui est arrivée qui lui a fait prendre conscience de son corps et surtout, qu'il fallait qu'il l'apprivoise. C'est ainsi qu'il a entrepris de noter les transformations successives de son corps ainsi que les sensations éprouvées.
Rien n'est caché au lecteur car cet auteur sans nom se livre sans concession. Il déballe tout, des flatulences intempestives à sa première fois sexuelle. Et à travers le récit de son corps, c'est le récit de sa vie qu'il nous livre. Une vie qu'il a su faire tenir jusqu'à ses 87 ans, ponctuée comme celle de tout un chacun de grands bonheurs et de grands drames.
Il se détache parfois de la mission première du journal, censée n'être centrée que sur le corps, pour parler des blagues de Tijo ou laisser un peu parler son cur. Pourtant, Daniel Pennac parvient à raconter une véritable histoire, avec des personnages distincts, en gardant pour fil conducteur le corps du narrateur. Prouesse étonnante !
On s'attache très vite à cet homme qu'on sent bavard sur le papier et plus renfermé dans la vie, couchant par écrit l'amour qu'il éprouvait pour ses enfants alors qu'on doute qu'il le leur ait jamais dit de vive voix. C'est un roman sous forme de journal, mais un vrai roman, avec des événements, des sentiments, une vie entière qui défile sous nos yeux. Le talent Pennac a encore frappé !