Ce recueil comprend trois romans de l'auteur J.G. Ballard. Sans vraiment être de la science-fiction (pas de technologie futuriste, pas d'habitants d'une autre planète, pas d'action dans les années futures...), on ne peut pas non plus classer ces romans dans le contemporain. Ils sont vraiment à part.On peut parler d'une nouvelle forme de science-fiction, qui se situe au niveau relationnel, entre les hommes et leur société technophile.
Crash !
Je me permets un jeu de mot assez primaire : Crash ! c'est trash !
Vaughan est un ancien présentateur télé vedette, survivant d'un grave accident de voiture. Cet accident et les nombreuses cicatrices qu'il arbore ont fait de lui un fétichiste. Il est obsédé par les accidents de voiture et les traque sans relâche, roulant et roulant sans cesse sur les grandes voies.
Ajoutez à cette obsession morbide une frénésie sexuelle omniprésente, intimement liée aux accidents, et vous obtenez un roman provocant, surprenant, dérangeant, frôlant les limites du supportable.
L'histoire est racontée par un "ami" de Vaughan, Ballard, qui nous fait découvrir au fil des chapitres les différents événements qui vont les conduire tous les deux au paroxysme d'une folie obsédante. Sexe, accident, mort, tout est intimement lié sous l'écriture magistrale de Ballard.
Il y a plusieurs années, j'avais vu le film éponyme de Cronenberg, tiré de ce roman, et ce film m'avait profondément marquée, tant il m'avait paru violent, choquant et provocant à l'extrême. C'est le genre de film dont on se souvient trop longtemps alors qu'on préférerait l'avoir oublié comme on oublie certaines bluettes.
Je ne savais pas que ce film était tiré d'un roman. Le roman m'a rappelé les images crues du film, et me dérange autant que le film.
C'est un roman que je ne conseillerai qu'aux personnes plus qu'averties, aimant vraiment la provocation à outrance.
L'île de béton
Dans ce roman, on retrouve l'obsession de Ballard pour les voitures, la circulation intense, les bouchons interminables, les autoroutes au trafic dense.
Maitland, homme d'affaires à la vie compliquée, roule sur une de ces innombrables routes, lorsque sa voiture fait une embardée. Il se retrouve quelques mètres plus bas, indemne, sur une sorte d'îlot de terre coincé entre trois autoroutes.
Comme on est en 1973, pas de téléphone portable pour signaler l'accident. Lorsqu'il tente de gravir les remblais pour faire signe à une voiture de s'arrêter, la circulation est si dense qu'il est hors de question pour qui que ce soit de prendre le risque inconsidéré de s'arrêter et de provoquer un immense carambolage.
Pire, il se fait renverser par une voiture qui le jette à nouveau en contrebas, avec une jambe gravement blessée.
Il sait que son entourage ne s'inquiétera pas de son absence car sa femme et sa maitresse se diront chacune qu'il est probablement chez l'autre pour la semaine.
Il va donc devoir se débrouiller seul, sur cet île improbable, entre carcasses de voitures et vestiges d'abri, à se nourrir des restes de nourriture jetés par les automobilistes, à boire l'eau de son réservoir d'essuie-glace et de pluie, à lutter contre la fièvre provoquée par sa blessure et les délires qui en découlent. Sa survie va dépendre de la rencontre insolite qu'il va faire avec Proctor, curieux clochard, et Jane, jeune fille débrouillarde, régnant sur ce pathétique îlot.
Ce roman est très agréable à lire (surtout après avoir lu Crash !). On ressent parfaitement bien l'angoisse permanente ressentie par cet homme aux abois, redevenu sauvage, livré complètement à lui-même et prêt à tout pour survivre.
I.G.H.
I.G.H. est l'acronyme de Immeuble de Grande Hauteur. Dans cet immeuble de quarante étages, le deux millième et dernier appartement vient d'être acheté. Les habitants sont enfin au complet dans cette magnifique tour, remarquablement pensée par un grand architecte, comprenant deux piscines, un centre commercial, vingt ascenseurs, banque, coiffeurs, écoles, aires de jeux, tout pour mener une vie bien tranquille.
Mais cela ne va pas se passer comme prévu. Des petits incidents vont avoir lieu. Une tension se crée entre les habitants des étages supérieurs et ceux des étages inférieurs.
Comme dans toute organisation communautaire, plus on est en haut, plus on est considéré. Les tensions vont bien vite dégénérer et les habitants, si soignés, si civilisés, si fiers de leur tour, vont voir resurgir leurs instincts primaires et bestiaux.
Ballard réussit parfaitement à montrer la montée de la violence, les clivages, les scissions, la formation des clans, et leur éclatement ensuite. C'est une véritable étude sociale de l'être humain que ce roman où l'on sent, page après page, la bestialité reprendre le dessus sur des humains bien policés et que pourtant rien n'oblige à subir tout cela.
Même si ce roman a été écrit il y a déjà plus de quarante ans, il reste cruellement d'actualité.