Les Chroniques de l'Imaginaire

Les portes noires - Degorce, Sébastien

La chasseresse Naaren a refusé l'inéluctable. Son rêve était de donner naissance à une fille. Son comportement dépravé et impie choquait les anciens de sa tribu mais elle a refusé de se soumettre. Elle a refusé de plier face aux dieux responsables de tous ses maux. Quand elle accoucha d'Ulia, Jorgön le lion noir dévora l'enfant. Naaren, folle de désespoir, attaqua le lion et but son sang.
Le fluide vital de la créature mystique éveilla en elle la puissance des ténèbres et une insatiable envie de sang. Eyna Venach était née. Une déesse maléfique marche sur la terre. Qui sera capable de l'arrêter ?

Les portes noires est un roman atypique. Degorce, jeune auteur français, nous y propose une lutte sans pitié s'étalant sur des centaines d'années entre la déesse Eyna Venach et le shaman Inoka. L'ambiance est sombre, les lendemains qui chantent ont été reportés à plus tard. Eyna Venach croît en force et en fidèles tandis qu'Inoka doit choisir avec soin la bonne personne pour renaître et poursuivre son combat.
Le thème est inhabituel et sa mise en place est innovante. Il est porté par un univers et une mythologie cohérents malgré la taille tout à fait raisonnable du livre et le fait que celui-ci soit une histoire complète.
Le monde de Degorce vit et cela se ressent immédiatement. Les différents protagonistes s'y intègrent à merveille, ils donnent l'impression d'être aussi consistants que l'univers dans lequel ils existent. L'ensemble a été mûrement réfléchi et est mis en valeur par les illustrations intérieures de Saï.

Ces caractéristiques laissent présager le meilleur. Pourtant, Les portes noires risque de repousser bon nombre d'adeptes de fantasy tant il est difficile d'accès. On est loin des livres de fantasy popcorn qui ne demandent qu'une moitié de lecteur éveillé pour être lus.
Le récit est compliqué à suivre et à comprendre. Ceci est dû au thème du roman, à sa découpe chronologique, aux changements de narrateur, aux nombreux personnages (avec descendants/ascendants) dont il n'est pas forcément simple de se rappeler le nom et au style d'écriture plutôt lent qui requiert beaucoup d'attention. Notez que ce dernier devient plus nerveux dans la section finale du livre où il est, tout simplement, prenant et efficace. La mise en scène de l'action dans ces instants plus remuants me rappelle d'ailleurs un certain Howard.
En outre, cette dernière section répond aux questions et aux attentes du lecteur, ce qui est un plus indéniable - la récompense après l'effort.
Enfin et heureusement pour nous, l'auteur a eu la bonne idée de terminer son ouvrage par un index, un rappel chronologique et des cartes.

En conclusion, Les portes noires est complexe et demandera un effort certain de la part du lecteur mais le résultat est plus qu'original et intéressant.