Les Chroniques de l'Imaginaire

Impulsion - Henninger, Bernard

Étudiante au physique banal mais au caractère impulsif, Bénédicte est une jeune femme discrète qui attire peu l'attention. Au détour d'un rendez-vous amoureux manqué, sa vie va basculer. Alors qu'elle observe un panneau d'affichage pour ne pas perdre la face, elle tombe sur une petite annonce assez singulière. Il s'agit de concevoir une sonde spatiale à destination de Pluton, rien de moins ! Un indien qui a fait fortune aux États-Unis a créé une fondation dans le but de voir de jeunes étudiants talentueux réaliser son rêve d'enfant.
Jusque là, Bénédicte était plutôt paresseuse, avec des résultats assez médiocres. Pour ce projet, sur un sujet dont elle ignore tout, elle va se lancer à corps perdu dans le travail. Astronomie et calculs de propulsion, certes, mais également ses cours habituels auxquels elle ne s'était jamais intéressée, pour obtenir son diplôme, et des cours d'anglais imposés par le professeur qui la cautionne : en quelques mois, Bénédicte a totalement changé, elle a appris à travailler, à s'affirmer... et elle a posté à l'Astronomic Foundation un projet valable. Le cœur qu'elle va montrer pour le soutenir fera la différence : désormais, la sonde pour Pluton - baptisée Clyde en l'honneur de Clyde Tombaugh, le découvreur de Pluton - va devenir l'oeuvre de sa vie.

J'avoue avoir été surprise en commençant ce roman. C'est certes un roman français de science-fiction, ce qui colle à la politique éditoriale des éditions Asgard, mais c'est surtout le portrait d'une femme, une ingénieure de talent que l'on suit dans son travail astronomique (dans tous les sens du terme) mais aussi dans sa vie de tous les jours. Je me serais plus attendue à découvrir cet ouvrage dans le catalogue d'une grosse maison d'édition de littérature blanche que dans celui d'un éditeur de littérature de l'imaginaire.

En effet, la touche de science-fiction est assez légère. La science est bien là, Bernard Henninger nous faisant toucher du doigt ce qu'implique le développement d'une sonde astronomique (mais sans entrer dans les détails techniques, fort heureusement). Mais sinon, cela pourrait aussi bien être un récit véridique, à quelques détails près on s'y croirait.
Le récit est fait à la première personne par Bénédicte et bourré de petits détails de tous les jours qui en font une narration très humaine. Elle alterne le présent, où elle est une vieille dame arthritique qui s'apprête à dire adieu à son "bébé" lointain, et le passé, qu'elle déroule depuis le jour fatidique où son regard à accroché l'affichette de l'Astronomic Foundation. Et c'est vrai, c'est beau, c'est magnifique.

D'abord, il y aura les années euphoriques de préparation, aux côtés d'une équipe brillante et surtout d'un compagnon qui s'avérera un mathématicien de génie, hélas disparu prématurément. Et puis le retour à la dure réalité du monde du travail en France, car il faudra bien s'occuper entre les rares moments où Clyde croisera à portée de planètes et nécessitera la supervision ponctuelle de sa conceptrice. Des hauts et des bas, mais surtout des bas pour cette ingénieure que les patrons regardent de travers quand elle leur dit avoir conçu une sonde spatiale pour une fondation privée... A travers son parcours, ses soucis bien communs face à la mesquinerie qui touche aussi bien le monde du travail que celui de la recherche, c'est la France d'aujourd'hui que l'on arpente. Mais il y aussi les moments de grande joie, quand Clyde offre par exemple des photos inédites de planètes alors peu étudiées, et là on touche du doigt le bonheur que peut apporter la réalisation de rêves qui paraissaient fous.

Véritable ode au travail des ingénieurs de l'ombre qui créent des sondes spatiales dont le grand public ne retiendra que le nom, voire la destination, ce texte est un petit bijou. Lisez-le les pieds sur Terre, la tête dans les étoiles...