Nous retrouvons notre ami Eraste Fandorine pour un troisième opus de nouvelles par lesquelles Boris Akounine rend hommage à de grands noms du polar ou de la littérature. Le livre est composé comme les autres de deux ou trois (ici trois) nouvelles et un roman court qui donne son titre à lensemble, plutôt homogène sur le plan qualitatif. Lauteur varie son style, de façon à donner lillusion que cest la personnalité à laquelle il rend hommage qui a écrit le texte, ce style caméléon est très impressionnant.
La guivre des Baskakov est bien évidemment un hommage au chien des Baskerville. Fandorine envoie son adjoint enquêter à soixante kilomètres de Moscou où un serpent monstrueux hante un marais et terrifie les habitants du village. Ladjoint réussit presque à démasquer le coupable, mais Fandorine arrivera juste à temps pour sauver son subordonné et démasquer le coupable.
0,1 pour cent : Une excellente nouvelle dédiée à Patricia Highsmith. Un prince est tué lors dune partie de chasse près de Moscou par un jeune homme ivre. La police considère quil sagit dun banal et tragique accident, toutefois un paysan est venu voir le commissaire pour témoigner du contraire. Lofficier demande à Fandorine de tirer lhistoire au clair. Son instinct donne raison au témoin, mais tous les indices, mobiles, etc. penchent en faveur de laccident. Comment faire éclater la vérité ?
Le five oclock à Bristol : Une nouvelle tout aussi excellente que la précédente, ce sont mes deux préférées du livre. On y retrouve toute latmosphère délicate des livres dAgatha Christie, à qui le texte est dédicacé. Fandorine est arrivé en catastrophe en Angleterre et il cherche un logement. Il trouve une chambre chez une charmante vieille dame qui lui semble tout dabord tout à fait démente, mais qui se révèlera vite être une jumelle de Miss Marple. Elle réside dans les dépendances dune grande maison de maître. Les propriétaires actuels ont oublié ce quils lui doivent et la persécutent. Leur père, un lord gâteux, disparaît avec le trésor familial, mais heureusement Fandorine et sa nouvelle amie veillent au grain. Cette nouvelle délicatement british nous permet den savoir plus sur la biographie de Fandorine et de comprendre pourquoi il a quitté sa chère Russie natale.
Avant la fin du monde : Cest un roman court dédié à Umberto Ecco. Fandorine est revenu en Russie après sept ou huit ans dabsence, il se sent tout à fait décalé de la société russe après son séjour à létranger. Il est mélancolique tandis quil se rend dans le grand nord pour aider un de ses amis scientifique à observer la population des vieux croyants (une dissidence de lorthodoxie) qui panique à lannonce dun recensement. Lui même est recherché et utilise un faux nom. Arrivé à destination, il apprend que des gens ont préféré se suicider car ils considèrent que lÉtat central est lagent de lAntéchrist. Un groupe assez hétérogène comprenant un policier, un industriel, un pope et quelques autres personnes se met en route pour faire la tournée des villages afin de prévenir lépidémie de suicides. Ils rencontrent les populations locales, mais leur ambassade produit leffet contraire, des suicides sont commis après leur départ. Tout incrimine Laurent, un prédicateur fou, et il faudra toute la sagacité de Fandorine pour découvrir la clé de lénigme et mettre fin à lhémorragie.
Comme dans La prisonnière de la tour, le roman court est le moins bon texte du livre. Il souffre de nombreuses longueurs. Son principal intérêt est ethnologique, il nous permet de faire connaissance avec des dissidents de lorthodoxie peu connus en Occident. Par ailleurs, il a une note "Russie éternelle" (façon Disney) avec une ballade en traîneau dans des villages enneigés, à la rencontre dun monde qui semble sorti tout droit dun conte de fées. Il soulève aussi des questions intéressantes sur la foi, le martyre et lintolérance religieuse.
De ce recueil, Fandorine sort comme un caméléon capable de se fondre dans toutes sortes de décor. Il pratique la méditation orientale et ressemble beaucoup à Pendergast comme super héros (pas physiquement, lAméricain est plus jeune dun siècle et la mode a changé). Pas un chef duvre du polar, mais une manière originale et plaisante de rendre hommage à dautres auteurs. On ne peut quadmirer la virtuosité du style de Boris Akounine.