Les Chroniques de l'Imaginaire

Les fantasmes de Svetambre - Chenu, Lucie

Après Les enfants de Svetambre, Lucie Chenu nous offre aujourd'hui un recueil dans la même veine, riche de treize nouvelles aussi émouvantes que puissantes.
Dans chacune d'elle, femmes, enfants et passions se heurtent et se rencontrent pour former une tapisserie où la verve et les sentiments tiennent une place primordiale.
Certes, de nombreuses nouvelles de ce recueil ne sont pas inédites, mais c'est l'occasion de les découvrir ou de les redécouvrir au sein d'un ensemble où elles se fondent pour former un tout.

Ainsi, My Generation, traitant d'une vieille dame qui revit la jeunesse dont elle n'a pas profité, pourrait faire écho à (R)EVE, qui parle du fantasme de Pygmalion et d'un golem aux appétits insatiables. La Sorcière de la montagne noire parlera à tous les amoureux des chats et m'a, comme lorsque je l'avais lue pour la première fois, émue aux larmes. Le premier texte, d'ailleurs, commence très fort, puisque Lune de mon cœur traite de violence domestique et d'une enfant qui ne supporte plus la brutalité d'un père.

La Brigade des Enquêtranges n'est pas sans rappeler Minority Report, même si les personnages se rapprochent plus de la mythologie celtique que d'un Tom Cruise fatigué, et Mission Humanitaire, dont la fin m'a autant surprise qu'à la première lecture, est un plaidoyer émouvant sur l'importance des racines familiales et de l'humanité dans les soins aux blessés.

J'ai moins accrochée aux Disparus de Saint-Bosc, dont la fin, évoquant un doudou, m'a pourtant laissée avec une image triste et mélancolique, et Deliciae Meae ne m'a pas conquise, peut-être par manque d'identification, car la plume de l'auteur y est pourtant particulièrement en verve.

J'avoue, en lisant Le Bol d'argent, avoir réfléchi à la relation étrange qui se noue toujours entre le médecin et son patient, et m'être demandé quelle était ma position face à mes soignants. Ce bol d'argent, réceptacle et symbole des fantasmes, n'est-il pas notre propre psyché à tous?

Avec La Cité des rebelles et Niche, Cabane, ya, ce sont les guerres et la destruction des villes, les conséquences sur les populations, qui sont abordées, de deux façons différentes, dans deux mondes différents, mais toujours avec ce style si particulier à l'auteur qui rend les personnages plus humains, plus brisés. La fin de Niche, Cabane, ya m'a d'ailleurs particulièrement marquée par son aspect sordide hélas si réaliste.

Ayehannah m'a rappelé certains textes de Marion Zimmer Bradley, dans la façon de traiter la relation des hommes avec les créatures (sur)naturelles et le lien profond avec la forêt et la magie. Un coup de cœur pour ce texte qui, avec le suivant, Partir, clôture ce recueil avec autant de poésie que de sensibilité.

De cet ouvrage je retiens un fil conducteur, celui de la guerre, de l'affrontement et de l'humanité, qui crée un un imaginaire à la fois riche et profondément ancré dans le concret, dans notre âme, pour offrir au lecteur un voyage dans son propre cœur autant que dans des univers fantasmés.