LA nouveauté de ce dernier numéro de la revue québécoise, c'est la couleur, présente partout, ce qui bien sûr apporte un plus indéniable aux uvres originales qui illustrent chaque nouvelle ou article. Il y a eu du changement aussi sur la couverture (superbe, signée Grégory Fromenteau), et j'ai cherché le prix pendant un certain temps avant d'aller finalement le chercher sur le site...
La partie consacrée aux nouvelles m'a paru chiche en quantité, mais riche en qualité, avec des thèmes souvent originaux. On y trouve :
La langue des voisins, de Eric Gauthier : Pierre-Louis est intrigué par son voisin, qui n'est pas toujours là, et dont il n'arrive pas à identifier la langue, non plus que les experts à qui il en a soumis quelques expressions, et qui croient à un canular. Son enquête l'amène finalement, en désespoir de cause, à un salon de l'occulte. Des surprises l'y attendent. Le thème de fond a été traité souvent, mais il l'est particulièrement bien ici, à la fois à cause de l'angle choisi, et de l'attention portée aux personnages.
Profundis, de Eleanor Belinki : le Dr Claire Kurosawa ne peut renoncer à son état d'esprit de scientifique matérialiste, d'autant que son fils, Zeus, a la curiosité débridée de tout enfant. Une excellente nouvelle ! Le glissement vers la SF est savamment dosé, comme l'évolution des personnages et de leurs réactions, tout cela étant très crédible, malheureusement.
Capitaine Pisse-Vinaigre, de Philippe Roy : Qui est ce poilu à la mémoire qui flanche à peine ranimé dans un hôpital peu après l'armistice de 1918 ? Officier ou soldat ? Maurice ou Eugène ? Voilà une belle histoire d'amour qui fait un clin dil à la fois à Victor Hugo et à Vincent van Gogh, dans un cadre à la fois original et d'actualité, où les éléments fantastiques ont bien leur place. Une réussite incontestable, et sans doute ma préférée.
Les pélerins de Calcibur, de Alain Bergeron : Elgalad savait que cela arriverait ! Il savait que ses ancêtres glorieux lui indiqueraient la voie à suivre pour reconquérir le trône. Et que rêver de mieux que la très belle Samira comme messagère ? Ça commence comme de la fantasy basique, quoique bien écrite, et ça devient une autre très bonne nouvelle, grâce au ton, à la bonne maîtrise de la progression de l'intrigue, et à la chute.
L'interview de Bernard Werber par Elisabeth Vonarburg ne pouvait qu'être passionnante, et elle l'est en effet. L'écrivain français y parle de son parcours, et surtout de ce qu'il cherche à réaliser en écrivant, et de sa façon de travailler : il raconte le film qu'il voit dans sa tête, d'où la primauté donnée à l'histoire sur le style.
Dans son article Le facteur psi : émergence et évolution du thème des pouvoirs psychique dans la SF, Sébastien Chartrand donne une idée aux jeunes lecteurs des grands romans et / ou sagas où ce thème occupe une place majeure. A le lire, je me suis mise à déplorer sa quasi-disparition des uvres de SF actuelles, peut-être liée à la crainte de voir du même coup ladite uvre classée directement en Fantasy.
Dans ses Carnets du Futurible, intitulés cette fois Le sexe avec les robots, ou les robosexuels chez les gynoïdes, Mario Tessier examine non seulement les uvres, littéraires ou cinématographiques, où le thème apparaît, mais aussi la façon dont il se pourrait bien que la réalité rejoigne au moins la fiction, à défaut de la dépasser.
Enfin, les rubriques critiques, littéraires ou cinématographiques regorgent comme d'habitude de pistes alléchantes. En somme, un autre numéro à ne pas manquer !