Les Chroniques de l'Imaginaire

Pixel noir - Debats, Jeanne-A

Balloté entre deux parents divorcés qui ne s’intéressent pas à lui, Pixel est un adolescent rebelle. Solitaire, il pirate les installations des différents pensionnats dans lesquels il défile pour profiter de plus de liberté sur le Net. Il faut dire qu’il passe des heures à jouer en ligne, mais surtout à développer des logiciels de jeu : comme sa mère, Pixel est un petit génie de l’informatique.
Une nuit, alors qu’il escalade furtivement le toit de son nouveau lycée, il fait une chute qui le laisse dans un état gravissime ; les médecins prévoient six mois d’opérations délicates et douloureuses. Mais pas d’inquiétude, Pixel ne souffrira pas : en cette année 2119, le Boston Hospital s’enorgueillit d’un tout nouveau système pour occuper les patients de longue durée, et Pixel va passer le prochain semestre dans un univers virtuel tellement bien imité qu’il pourra y ressentir la moindre caresse du vent sur son visage.

Seulement voilà : aucun contrôle n’a été mis en place pour s’assurer que tout se passe bien au quotidien dans le Virtuel de Repos. A son arrivée « en bas », Pixel découvre avec effroi que le campus universitaire simulé a subi un Bug. Les I.A. chargées d’encadrer les adolescents ont disparu, les journées ont des durées aléatoires, le temps est imprévisible et la jungle a envahi le moindre espace disponible. Pixel comprend vite que l’effondrement du système est proche et que les personnes piégées à l’intérieur sont en danger de mort. Le temps est compté, il lui faut d’urgence trouver la backdoor permettant de s’échapper du Virtuel depuis l’intérieur…
Et puis, il y a encore un autre problème, et de taille : du groupe de jeunes livrés à eux-mêmes a émergé un chef despotique. Damon a assis son pouvoir sur la peur, profitant du fait que dans cet univers virtuel on peut avoir faim, on peut avoir mal, et que lui seul contrôle les quelques ressources disponibles. Il savoure sa position de force et en abuse largement. Pas question de tolérer l’insubordination ! Ceux qui ne veulent pas se soumettre à ses règles tyranniques sont livrés à l’Effaceur. Pixel, trop réfractaire à l’autorité, pourrait bien être sa prochaine victime.

J’ai été un peu surprise en lisant le début de ce roman : tout était trop lisse, trop facile. Rien à voir avec la profondeur que j’avais trouvée dans les autres œuvres de l’auteure passés entre mes mains. J’ai vite compris le fin mot de l’histoire : cet ouvrage est destiné à un public jeunesse, ce que j’ignorais, et cela se sent.
Autre petit défaut, les explications fournies me semblent parfois un peu incohérentes, trop vite expédiées. Attention : sautez la fin de ce paragraphe si vous ne voulez pas découvrir trop tôt des détail trop précis ! Je pense notamment au fait que personne à l’extérieur ne se soit rendu compte du problème : Damon efface une personne par semaine depuis trois mois, choisissant de préférence ceux qui vont se réveiller pour qu’ils ne puissent pas parler de ce qui se passe, mais personne « en haut » ne fait le lien entre tous ces gens qui ne sortent pas du coma au moment où on essaie de les faire revenir ? Ah mais en fait ils n’étaient que deux… ça ne fait pas beaucoup de gens réveillés en trois mois !
Tout ça est un peu dommage (pour les adultes, s’entend) mais heureusement on passe rapidement outre.

De base, c’est un roman où l’action prédomine, une course contre la montre pour échapper à la mort avec quelqu'un qui s’amuse à mettre des bâtons dans les roues du héros. Une histoire d’amitié aussi, puisque Pixel sera aidé dans sa quête par deux autres enfants insoumis, et même une histoire d’amour, même si elle a peu de temps pour se développer. On ajoute une touche de SF par-dessus ça, avec une immersion dans un environnement virtuel qui apporte sa note de dépaysement, même si ce n’est plus un sujet très neuf. Et puis, une touche d’humour, avec par exemple une référence au roman Sa Majesté des Mouches, que la situation ici rappelle forcément. Au final, on a effectivement une histoire qui devrait plaire largement aux adolescents !
Cependant, il y a bien plus que ça dans ce roman : des réflexions sur la mécanique du pouvoir et la dictature, sur la mort et la manière de l’appréhender (suicide, obstination médicale dans les cas désespérés…), mais également sur d’autres sujets (homosexualité, relations avec les parents ou les camarades de classe, etc.).

Même si j’ai regretté le manque d’approfondissement, j’ai trouvé cette lecture très sympathique et je la conseille sans problème à tous les adolescents.