Les Chroniques de l'Imaginaire

Ceux qui restent (Les vieux fourneaux - 1) - Lupano, Wilfrid & Cauuet, Paul

Pour Pierre Mayou, un vieillard qui vit seul dans un capharnaüm sans nom, la journée qui démarre promet d'être particulière. D'abord, Pierre se rend, avec bien des difficultés, à la maison de retraite Meuricy (si si, c'est le vrai nom !), où il retrouve Mimile, son vieux camarade. Aujourd'hui, c'est l'enterrement de Lucette, la femme d'Antoine, un autre vieux copain de Pierre et Mimile. Un copain du boulot, en fait, d'avant la retraite. Les trois hommes ont œuvré pour Gran Servier, un homme richissime qui a fait fortune dans les anti-dépresseurs, sans se soucier au passage de la santé de ses propres employés...
Une fois l'enterrement et la traditionnelle réunion familiale passée, les trois hommes se retrouvent enfin, non sans avoir remarqué Sophie, la petite fille d'Antoine, qui est le portrait craché de Lucette, lorsque celle-ci avait le même âge... Maintenant, ce qui tracasse le plus Antoine, c'est cette lettre de sa défunte épouse qui l'attend chez le notaire. Une lettre qu'elle a souhaité que son mari ne lise qu'après la crémation...

La surprise est de taille pour Antoine, puis devient vite une colère haineuse, lorsqu'il apprend que Lucette avait eu une aventure avec Gran Servier, le patron de la boîte où Antoine était un des syndicalistes les plus virulents ! Ce dernier est inconsolable et, armé d'une vieille pétoire, il se rend en Italie où le vieux Servier coule des jours heureux, bien à l'abri de son Alzheimer avancé...
Pour Mimile et Pierre, il est hors de question de laisser leur vieux copain aller se venger seul. C'est accompagnés de Sophie, pourtant en pleine grossesse, qu'ils vont tenter de le retrouver avant que l'irréparable ne soit commis...

Ce premier tome de Les vieux fourneaux est une franche réussite. Graphiquement, Paul Cauuet nous régale avec des traits d'une grande finesse, des expressions très travaillées, rendant les personnages parfaitement attachants. Et c'est précisément grâce à ce premier point que le récit de Wilfrid Lupano fait mouche. Les personnages qu'il a imaginés ont un passé très riche, même s'il peut heurter les plus jeunes sensibilités. Des principes sans doute parfois un peu éculés, mais qui passent ici extrêmement bien aussi grâce à des dialogues incisifs, ou des situations qui font mouche à chaque fois.

Ce tome n'est pas que l'occasion de voir des personnages débonnaires évoluer dans une histoire qui déraille et qui leur échappe. C'est aussi l'occasion d'en mettre une couche sur les dérives de cette génération qui a connu le pire et le meilleur. En cela, la quatrième de couverture, parfaitement hilarante, est elle aussi une franche réussite, et un parfait résumé de ce qui va se trouver dans l'album.

Des dessins jolis et détaillés, des personnages excentriques et attachants, et un fond de vérité qui peut déranger ou en tout cas faire se questionner le lecteur : tous les ingrédients sont là. Vivement la suite !