Le livre dont Le Monde affirme que cest LE roman noir de lannée débute en pleine confusion. La première scène nous montre un journaliste qui se fait menacer sil nécrit ni ne publie un certain article le mardi suivant. Les menaces sont vagues, mais le journaliste semble terrorisé et prêt à obéir à son vis à vis qui lui a remis une grosse enveloppe. Puis nous faisons la connaissance de Manu, un proxénète lyonnais, propriétaire dun grand cheptel de chattes selon ses propres termes, il est aussi trafiquant de drogue. Il oblige Cathy, lune de ses filles, à une relation sexuelle avec lui avant de lui offrir une dose de drogue comme salaire. Toutefois, il sagit dune héroïne de trop bonne qualité et Cathy meurt dune overdose. Le lendemain, cest au tour de Tatiana de subir le même sort. Manu est lun des hommes de Vincente Di Canio, un parrain de la pègre lyonnaise.
Cest au tour de Léa dentrer en scène et cest le seul personnage dont les agissements sont clairs au début du roman. Elle retrouve une photo delle et de sa mère Silvia, cachée dans la couverture du journal intime de sa mère. Au dos de la photo, Silvia a écrit quon allait les tuer, elle et Léa, si les choses empiraient. Silvia est morte en 1973, vingt ans auparavant, dans un accident de la route. Léa navait que six ans et elle a été adoptée par Guy et Marie Marchois, les patrons de Silvia qui était employée de maison chez eux. Léa a reçu une éducation bourgeoise, elle a toujours eu un excellent contact avec son père, notaire dans un village de la campagne lyonnaise. Avec Marie, sa mère adoptive, les choses sont plus difficiles, Marie a de la peine à exprimer ses sentiments et son amour pour Léa. Marie aimerait contrôler et protéger Léa, mais celle-ci est très indépendante. Elle a reçu le journal de sa mère le jour de ses seize ans, mais son père lui a fait jurer le secret, Marie veut absolument tenir Léa éloignée des souvenirs de sa mère biologique, et on comprend à la fin quelle a vraiment agi par amour et quelle nest pas seulement la femme coincée quelle paraît être.
Léa était journaliste au Progrès jusqu'à son récent renvoi pour avoir refusé une promotion canapé. Elle se rend compte quelle ne sait rien de sa mère Silvia et se rend à la campagne chez ses parents pour exiger des explications. Marie ne sait pas que Léa est en possession du journal, Guy essaie en vain de calmer les deux femmes. Léa exige de savoir qui était vraiment Silvia sous peine de rompre définitivement avec sa famille. La menace fait son effet et Marie lui révèle que Silvia était une prostituée avant de devenir leur employée de maison. Léa est évidemment sous le choc.
Lautre personnage principal est Patrick Secondi, qui émerge peu à peu du brouillard. Il semble diriger une bande de malfaiteurs ou despions, il semble aussi obsédé par ses souvenirs de barbouze durant la guerre dAlgérie. Il a été un tortionnaire, un soldat délite, sans doute un tueur et il semble mêlé à de bien sombres histoires. Après plus de cent pages, on comprend quil est membre des services secrets et il faudra encore des dizaines et des dizaines dautres pages pour savoir quil est colonel et directeur de lantenne lyonnaise de la DST. Le roman se passe en 1993 à la fin du deuxième septennat de François Mitterrand et Secondi est chargé dorganiser une manipulation diabolique pour le compte du clan Chirac.
Les destins de ces trois personnages principaux vont se croiser au cours du roman.
Comme je lai dit plus haut, le début est vraiment très très confus, on assiste à différentes actions qui semblent complètement disparates, il y a des dizaines de personnages et Léa est la seule à émerger clairement de ce magma de politiciens tordus, de malfaiteurs, despions et de flics corrompus. On ne sait qui manipule qui, laction part dans tous les sens et javoue navoir pas compris grand chose, pour ne pas dire rien du tout, avant la page 113, cest à dire plus du quart du livre. Les personnages sont très nombreux et on sy perd très longtemps. Même sil y a un lien entre lhistoire de Léa et celle de Secondi, jai eu plutôt limpression de deux histoires juxtaposées. Le retournement de situation de la fin est aussi plus quétrange et franchement peu convaincant.
Le contexte politique est très clair, il sagit de la fin de règne de Mitterrand, avec la lutte acharnée et en sous-main que se livrent les deux célèbres amis de trente ans. Les coups tordus pleuvent. Et si les évènements plus anciens sont décrits de façon juste et explicite, avec les noms réels des protagonistes (affaires de ballets roses de 1959), les personnages historiques de 1993 ne sont jamais mentionnés par leur nom, mais par leurs surnom donnés le plus souvent par le Canard : Tonton ou Dieu, le Grand ou Bulldozer, et enfin Louis XV ou sa Courtoise Suffisance. Je ne sais pas si François Médéline craint les poursuites judiciaires et se refuse dappeler ces personnages par leur nom, mais les très longs passages détaillant leurs mauvais coup réciproques sont vite lassants.
Il y a enfin au cur de lintrigue le député Xavier Maisonneuve, gaulliste et amateur de partouzes et de sexe violent. Certes ce personnage - ainsi que de nombreux autres protagonistes - est fictif, mais on ne peut sempêcher de penser à des affaires bien plus récentes qui ont défrayé la chronique. Une des histoire du livre semble être la reprise à quelques détails près de Le Pullover rouge de Gilles Perrault et de laffaire Ranucci (avec un autre nom bien sûr).
Ce livre est un mélange de polar et de politique fiction sur un fond historique connu et on aimerait bien avoir des éclaircissements pour démêler le vrai du faux, comme le fait Steve Berry à la fin de ses thrillers. Si le meurtre politique semble être une pratique courante et avérée des grands chefs politiques, on peut espérer quelle reste symbolique et virtuelle ; et quaucun dentre eux na des dizaines de cadavres réels dans ses placards comme dans le roman. Ce livre ma laissé un avis très mitigé, les ficelles sont un peu trop grosses.