Ah, quoi de mieux pour un fan de SF, d'univers alternatif et de rock que d'avoir en mains un recueil de nouvelles traitant de ces sujets précisément ! Voici donc une compilation de cinq nouvelles, écrites par différents grands noms de la SF. Ils nous offrent des versions uchroniques, des versions dans des mondes alternatifs, de leurs idoles et nous racontent des histoires terriblement plausibles.
Le douzième album de Stephen Baxter
Sur un paquebot détruit et abandonné, un groupe d'amis amateurs de bonne musique erre. Tout en discutant de musique pop, l'un d'eux tombe sur un vinyle un peu spécial. Il s'agit à première vue d'une compilation regroupant les meilleurs morceaux des anciens membres des Beatles. Les aficionados qu'ils sont remarquent quand même de très grandes différences avec les morceaux qu'ils possèdent.
Comment vous en parlez sans trop en dévoiler ? Déjà, en vous disant que cette nouvelle ne pouvait pas mieux commencer ce recueil. Ici, on assiste à une nostalgie et un regret profond du fan des Beatles qu'est, à n'en point douter, Stephen Baxter. Le fan des Beatles que je suis n'aurait pas pu rêver mieux que les morceaux proposés dans cette nouvelle qui aurait fait un merveilleux douzième album des quatre garçons dans le vent.
En tournée de Gardner Douzois, Jack Dunn et Mickael Swannick
Dans un hôtel un peu perdu et miteux, Buddy Holly retrouve Elvis Presley et Janis Joplin. Ils ne semblent pas être ce qu'ils sont pourtant : les deux chanteurs ressemblent à de très bons sosies mais il se dégage pourtant un charisme quasi-christique du King, et cette voix de Janis, inimitable et reconnaissable entre mille. Ça ne peut être qu'eux, excepté que nous sommes en 1954 et que les deux chanteurs sont trop différents pour être qui ils sont.
Une nouvelle écrite à six mains pour laquelle je n'ai que peu de ressenti. On enchaîne les saynètes parfois drôles, parfois cocasses mais le plus souvent un peu vides. C'est là où l'écriture à six mains se ressent et où le lecteur a plus l'impression de se retrouver devant un épisode plutôt moyen de la série La Quatrième Dimension, du moins jusqu'aux trois dernières pages où le récit s'envole et prend des élans lyriques inattendus.
Elvis le Rouge de Walter Jon Williams
À Memphis, une femme donne naissance à des jumeaux. Tragiquement, l'un d'eux meurt mais son esprit permet à l'autre enfant de devenir quelqu'un de grand et de noble. Il va devenir un chanteur à succès qui va s'occuper des démunis, des pauvres, qui va se syndiquer et permettre de faire bouger certaines choses aux États-Unis. Tout ça grâce à sa rencontre avec un ami d'enfance, Léon, devenu un conseiller très proche. Avec lui, ce chanteur va lire Lénine, Marx et autres grands penseurs. Il va se lever contre Le Colonel et surtout être connu dans l'histoire comme un chanteur engagé pour les droits des travailleurs. Même si pour cela il sera obligé de faire certains sacrifices artistiques.
Je n'en dirais pas plus sur cette nouvelle si ce n'est qu'elle constitue un véritable bijou d'uchronie doublé d'une critique de la politique américaine. Cette nouvelle est ma préférée de tout ce recueil, l'histoire m'a tenu en haleine de la première phrase à la dernière. Tout le long de la lecture, je fus surpris par la qualité de l'écriture et l'inventivité du récit.
Un chanteur Mort de Michael Moorcock
Jimi Hendricks, probablement lassé de la mort, revient parmi les vivants. Mais avant de faire son retour sur Terre aux yeux de tous, il prend la route avec l'un de ses anciens roadies. Tous les deux vont écumer les routes d'Angleterre, Mo, Jimi et la route ne feront qu'un. Mo a un soucis et un souci de taille, ce qui va perturber le voyage : Il est toxicomane et a une grosse tendance à la paranoïa et aux hallucinations. Entre rêves et réalités, les deux compères vont tailler la route, se livrer, se perdre et enfin se retrouver.
Voici la nouvelle la plus touchante, remplie de nostalgie et de morceaux d'anthologies du grand Jimi. Probablement la plus grande déclaration d'amour d'un fan à son idole partie trop tôt dans l'histoire du rock. Plus que la nostalgie d'une icône, c'est la nostalgie d'une époque toute entière qui ressort de cette nouvelle. Et cette confrontation entre les deux personnages qui donne une dimension supplémentaire à cette nouvelle, entre un Jimi revenu des morts qui est plus mûr, plus posé, et un roadie coincé dans une époque.
Snodgrass de Ian Macleod
John vit très modestement à Birmingham. Il végète, pour parler franchement. Il va de petits boulots en petits boulots sans jamais rester. Cette situation commence à devenir compliquée pour sa logeuse, qui ne reçoit plus vraiment de loyers et qui en plus doit lui prêter de l'argent de temps à autre. John se réfugie dans l'alcool et les drogues douces. Il ne trouve tout simplement pas sa place dans la société, surtout depuis son départ il y a trente ans d'un groupe qui a connu un énorme succès, les Beatles.
J'ai aussi énormément aimé cette uchronie, à la fois drôle et intelligente. Mais la force de cette nouvelle tient surtout dans le fait que Ian MacLeod a réussi à retranscrire le phrasé de Lennon avec une grande précision. C'est bien simple, j'ai entendu la voix de Lennon tout le long de la lecture. On suit surtout un auteur amoureux de son groupe, le connaissant sur le bout des doigts. Et donnant à celui-ci une version des Beatles qui, pour un fan des p'tit gars de Liverpool comme moi, est absolument correcte et cohérente par rapport à ce qu'ils auraient pu devenir sous l'égide de McCartney.
Une chronique un peu longue mais nécessairement longue tant le contenu est bon. Si on met de côté la nouvelle écrite à six mains, on obtient un petit bijou mêlant SF et musique rock.
Bref à posséder si vous êtes, comme moi, amoureux des deux !