Les Chroniques de l'Imaginaire

La ballade de Tilman Razine (La grande évasion - 8) - Kris & Martinez, Guillaume

Nous sommes en Russie, tout d'abord en 1942. Les détenus d'un goulag discutent ensemble lors d'une soirée, lorsque l'un d'eux remarque une étrange signature sur l'un des murs, au nom d'un certain Tilman Razine. Un détenu plus âgé se souvient de ce nom, et se met à raconter son histoire, et une certaine évasion qui a pu avoir lieu grâce à cet homme. Le récit nous plonge en 1900, dans une autre prison, cette fois en Sibérie, bien évidemment sous un froid glacial...

Et à cette époque, les prisonniers sont également utilisés pour des travaux forcés. Mais pour le coup, pas pour n'importe quel travail, puisqu'il s'agit tout simplement de poser les rails d'un des plus célèbres trains qui pourra parcourir toute la Russie d'Ouest en Est : le Transsibérien... C'est d'ailleurs en grandes pompes que ce dernier est présenté à la presse, lorsque le Tsar en personne, et un grand nombre de sommités, prennent place à bord de ce train mythique.

Pour autant, les prisonniers des camps sont loin d'être ménagés, puisque certaines portions du rail ne sont pas terminées, notamment autour du lac Baïkal, où le train complet devra prendre place à bord d'un brise glaces pour pouvoir se retrouver de l'autre côté de la rive. L'occasion est belle pour le jeune Eugène, un artiste plutôt acteur dans une autre vie, qui commence déjà à imaginer son évasion, qu'il ne pourra pas faire sans l'aide d'autres prisonniers...

Ainsi, les différents responsables parmi les prisonniers du camp se réunissent régulièrement, afin de discuter des moyens d'évasions. Ils imaginent un être charismatique dont personne ne connaîtra le visage, Tilman Razine, pour donner du courage à l'ensemble des prisonniers du camp, au nez et à la barbe des gardiens russes. Et puis, il y a un grand nombre de personnes étranges, à bord du Transsibérien, des personnes qui ne sont pas vraiment là uniquement pour le voyage inaugural, mais bel et bien pour apporter leur pierre à l'édifice d'une des plus grandes évasions contées dans cette série de one-shots.

C'est le huitième tome de La grande évasion qui sort ici, avec Kris au scénario (Un homme est mort, Notre mère la guerre...), Guillaume Martinez au dessin (Le monde de Lucie, avec le même scénariste, Motherfucker chez Futuropolis...), et la prolifique Delf à la couleur. Les dessins permettent de plonger très rapidement le lecteur dans l'ambiance, avec des paysages hivernaux parfaitement crédibles et réalistes, et des personnages aux expressions soignées et aux costumes d'époque.

Le récit de Kris se présente sous la forme d'un récit dans le récit, ce qui est souvent parfait pour des passages temporels qui permettent de retrouver tel ou tel protagoniste jeune d'un côté, et vieillissant de l'autre. Comme d'habitude, on ne peut qu'accrocher à une histoire de Kris, qui passe avec brio l'exercice difficile de raconter une histoire sous la forme d'un one-shot. Le tout est teinté d'un peu d'Histoire ferroviaire, avec ce voyage inaugural d'un train légendaire, même si les personnages de ce récit sont pour le moins fictifs.

Un nouveau one-shot de qualité donc, dans lequel il vaut mieux ne pas être frileux !