Les Chroniques de l'Imaginaire

Ada - Yamada, Masaki

Au XIXème siècle, alors qu’il randonne dans les Alpes, sir Arthur Conan Doyle fait une curieuse rencontre : Sherlock Holmes en chair et en os. Le détective est un peu vexé de la façon dont son créateur s’est abruptement débarrassé de lui dans son dernier roman en le précipitant avec son ennemi de toujours dans les chutes du Reichenbach. Il raconte qu’il a été sauvé par l’intervention d’un autre personnage de fiction : le monstre de Frankeinstein, la créature imaginée par Mary Shelley !

Actuellement, au Japon, Shimizu travaille sur la dernière simulation d’un parc d’attractions : un vaisseau spatial en mission d’exploration vers la planète Imaginary. Shimizu puis son assistante Yuma se retrouvent pour de bon sur la planète, pourtant supposée ne pas exister. A leur retour, la petite Yukari, la fille de Yuma décédée dans un accident l’année précédente, n’est pas morte mais revient tranquillement des Etats-Unis où elle a passé l’année avec son père !

Peu à peu, la fiction envahit la réalité. Réel et imaginaire s’entremêlent à l’infini… En effet : « Dans le monde quantique d’Ada, toute chose que l’on imagine, que l’on raconte, se met à exister. » (p. 147). Voilà qu’à l’image du monstre de Frankeinstein, qui détruisit son créateur, le virtuel dévore peu à peu le réel !

Mais qu’est-ce qu’Ada ? A l’origine, c’est le nom de la fille du poète Byron, qui aida Charles Babbage à programmer sa célèbre machine à différences (l’ancêtre de l’ordinateur) et en entrevit les fabuleuses possibilités. C’est le nom d’une disquette contenant les données nécessaires à la navigation interstellaire par distorsion, celle qui est utilisée dans Star Trek par exemple. C’est le nom d’un super-accélérateur de particules, construit dans le but de prouver l’existence de la matière noire et parachever la « théorie du Tout » prônée par Hawking. Mais c’est également l’ordinateur quantique qui le supervise, et qui s’est emballé, mélangeant tous les univers parallèles…

Ce roman est vraiment foisonnant. Ce sont de nombreuses histoires qui sont racontées en même temps, finissant toutes par se rejoindre sans que l’on ne sache plus où est la « réalité ». Cela va de l’antiquité au futur, en passant par toutes sortes de temps et lieux. Mais les liens entre toutes ces histoires sont nombreux, comme ce chat malayan aux yeux verts qui semble se déplacer à son gré parmi les univers parallèles, pour finir par n’avoir plus qu’une seule grosse pelote de laine emmêlée. Chaque histoire est très détaillée, je pense notamment à celles mettant en scène des personnages ayant réellement existé où l’on voit aisément que l’auteur était bien documenté.

La partie technique est également bien travaillée, mais beaucoup plus compliquée à comprendre. Il faut dire que l’intrigue mélange joyeusement des éléments de religion (avec le combat éternel entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres), de physique quantique, de réalités alternatives, et jusqu'au modèle cosmologique expliquant l’univers, opposant la théorie du Big Bang (qui supporte la « réalité » dans laquelle les Hommes existent) et celle de l’univers-plasma (dans laquelle les quasars sont des entités intelligentes dont l’existence est incompatible avec celle de l’Humanité).

Cependant, il faut bien reconnaître que même si ces explications techniques restent compréhensibles, cela rend la lecture assez difficile. Il faut rester concentré pour tout suivre et on finit par lâcher le morceau en essayant simplement de suivre les pérégrinations des personnages, auxquels on s’attache finalement fort peu.

Pour moi, cela a été une lecture plutôt pénible. C’est long, vraiment très long. Et tout sans exception est relaté à de multiples reprises, raconté encore et encore à chaque nouveau chapitre comme si on avait affaire à un feuilleton publié dans un périodique. Ces répétitions incessantes sont vraiment lassantes, car souvent la reformulation se fait quasi à l’identique, quand les phrases ne sont pas citées telles quelles. Même les citations d’auteurs sont parfois reprises plusieurs fois, comme celles de Byron que l’on peut lire à plusieurs reprises. Alors certes, on en découvre un peu plus à chaque fois, mais au final on s’ennuie.

Dommage, parce que les sujets de fond soulevés sont intéressants. Mais pour ma part je crise quand par exemple je lis pour la dixième fois les interrogations de Shimizu par rapport à la manière dont Christopher Milne (le petit garçon qui a inspiré l’ami humain de Winnie l’Ourson) a vécu cette incursion de la fiction dans sa vie de tous les jours.

Bref, c’est un roman dans lequel on sent tout le travail de l’auteur sur ce sujet digne d’intérêt, mais qui peine à convaincre tant la lecture est laborieuse.