Les Chroniques de l'Imaginaire

L'enfance des criminels - Grossmann, Agnès

Marc Dutroux, Guy Georges, Michel Fourniret, Patrice Alègre... Nous sommes nombreux à avoir suivi leur parcours criminel et leur procès. On ne compte plus les émissions et livres qui leur ont été consacrés, car ces tueurs en série, croque-mitaines des temps modernes, et leurs actes posent d'épineuses questions. L'une de celles qui reviennent le plus souvent concerne le déterminisme : est-ce l'enfance de ces tueurs qui a fait d'eux ce qu'ils sont ? C'est sur ce sujet que se penche Agnès Grossmann - journaliste qui a entre autre travaillé pour l'émission Faites entrer l'accusé - par le biais de huit portraits de tueurs en série francophones.

A cette question néanmoins, personne ne peut apporter de réponse claire et définitive, et cet ouvrage pas plus qu'un autre. S'il s'avère - mais est-ce vraiment une surprise ? - que tous les tueurs ont souffert d'une enfance difficile marquée par l'abandon, la violence et les sévices, on sait également que des millions d'autres personnes ont subi les mêmes atrocités sans pour autant rendre la pareille, une fois adultes, à leurs semblables.

L'auteur met cependant à jour quelques mécanismes qui sont, chez les tueurs étudiés ici, à l'origine du passage à l'acte, notamment la répétition de situations similaires à celles qui les ont fait souffrir dans l'enfance (le rejet, par exemple, dans le cas de Patrice Alègre).

Ce livre, au style très visuel, écrit comme un documentaire télé, se lit vite pour peu qu'on ne soit pas rebuté par la violence du sujet. Mais il comprend un aspect très gênant : les sources ne sont pas assez clairement citées. L'auteur enrichit son texte de nombreux dialogues, de descriptions assez précises des crimes ou de ce que les tueurs ont dans la tête. Ça a le mérite de rendre son récit vivant et très effrayant, mais le manque de notes de bas de pages m'a souvent fait douter de la crédibilité de toutes ces affirmations.

Enfin, deux points de vue d'experts (celui du neuropsychiatre Serge Bornstein et celui du psychologue Philippe Herbelot) viennent clôturer l'ouvrage de manière assez inégale. Le premier ne va pas plus loin que la paraphrase et le sensationnalisme, tandis que l'autre, plus professionnel et nuancé, vient confirmer ce que l'on savait déjà avant d'ouvrir le livre : oui, l'enfance joue un rôle dans la construction des tueurs en série, et non, elle ne permet pas de tout expliquer.

En bref, un livre qui n'apporte pas grand chose et qui ne cite pas suffisamment ses sources. Les personnes intéressées par le sujet pourront tenter, dans la même collection, Femmes serial killers de Peter Vronsky, un ouvrage passionnant et bien mieux documenté.