Les Chroniques de l'Imaginaire

Vice et vertu - Rindell, Suzanne

Orpheline, Rose a eu la chance de recevoir une bonne éducation grâce aux sœurs du couvent où elle a été abandonnée bébé. C'est ainsi qu'elle a pu intégrer l'école Astoria pour sténographes puis, une fois son diplôme en poche, décrocher un poste au sein du commissariat du Lower East Side de Manhattan. Nous sommes en 1924 et elle fait partie des rares femmes au sein d'un milieu d’hommes, car même si l’émancipation de la femme est en marche, la place d’une dame n'était certainement pas au travail. Mais qu'importe, la vie de Rose est bien structurée et elle fait tout pour se comporter avec toute la décence que son sexe lui impose même si la teneur des aveux qu'elle doit dactylographier aurait tout pour la choquer. Que ce soit le sergent assez paternaliste ou le lieutenant détective plus distant, rien ne semble vouloir troubler la routine du commissariat et de Rose.

Mais tout va changer avec l'arrivée d’une nouvelle dactylographe, embauchée pour faire face au surplus de travail engendré par le Volstead Act. Car nous sommes en pleine prohibition et le commissariat a été choisi pour donner l'exemple en mettant sur pied la première unité de répression visant à faire de New-York un exemple de sobriété. La moindre petite infraction donnera lieu à des poursuites et c’est dans ce contexte qu'arrive Odalie…

Vice et vertu nous plonge dans l'Amérique de la prohibition, au cœur des années folles, et la magie opère. On est vraiment immergé dans une époque révolue entre bienséance de façade et dévergondage sous le manteau. Rose est une jeune fille bien sous tous rapports, qui tient à sa réputation et veille à rester à sa place. Alors que les femmes ont obtenu le droit de vote et qu'elles s'émancipent de plus en plus, Rose semble bloquée dans un autre temps. L'arrivée de la sensuelle Odalie, femme plus que libérée, ne peut que bouleverser son quotidien. D'ailleurs, dès les premières pages, on sent que quelque chose de grave a eu lieu entre les deux personnages mais il faudra attendre avant de découvrir quoi.

Si la description d'une époque est particulièrement réussie, je n'ai pas réussi à accrocher à l'intrigue, principalement à cause de son héroïne qui est d'ailleurs la narratrice. Alors qu'on devrait être touchée par ce personnage de Rose, prude et naïve, elle est tellement percluse de principes surannés qu'elle en devient détestable. Son regard sur ceux qui l'entourent m'est apparu terriblement hautain et moralisateur. Et dès lors, il est très difficile de se passionner pour son sort, d'autant que la mise en place de l'histoire est longue. L'auteur distille des indices au fil de son récit, afin de nous entraîner vers sa conclusion, très troublante mais qui ne vaut pas, à mes yeux, l'attente endurée.

Un avis en demi-teinte, pour un roman dont l'intrigue aurait pu être passionnante mais qui est ternie par son héroïne.