Les Chroniques de l'Imaginaire

Love In Vain - Dupont, Jean-Michel & Mezzo

Nous sommes en 1911, dans l'état du Mississippi. Le 8 mai est le jour de la naissance du petit Robert Leroy Johnson. Ce dernier va devoir grandir avec sa mère, étant donné que son père, qu'il n'aura jamais connu, est parti du domicile conjugal peu avant sa naissance. Ainsi, c'est dans les plantations que le jeune Robert accompagne sa mère, où elle trime pour gagner une misère. Pas de l'esclavage, mais finalement la situation n'est pas bien différente. Bien vite, la mère de Robert se rend à Memphis, afin d'y retrouver un ex qui n'est pas le père de Robert. L'aventure ne dure pas, et la mère de Robert part, seule, afin de vivre une autre vie...

Alors, la carrière musicale démarre... Robert joue de l'harmonica, de façon correcte, mais également de la guitare, un instrument qu'il adore mais qu'il maîtrise moins. Robert se marie, à cette époque, alors qu'il est à peine majeur. Mais il perd sa femme, alors enceinte, pour plonger dans une intense douleur. La guitare, ou le blues en général, sont de bons échappatoires. De quoi y mettre toute son énergie... Bientôt, c'est Son House qui prend le jeune Robert Johnson sous son aile, mais lui aussi, il ne croit pas aux talents de guitariste du jeune Robert...

Comment ne pas évoquer cet épisode de la croisée des chemins, lorsqu'on parle de Robert L. Johnson, un des bluesmen noirs les plus connus ? Lui a toujours prétendu que le diable est venu, un soir de beuverie, sur ce croisement. Il a pris la guitare et joué divinement bien, dans un épisode à partir duquel Robert est devenu lui-même un véritable prodige...
Car Robert, même s'il est mort jeune (à l'âge de 27 ans, d'une syphilis), a tout de même inspiré énormément de monde, et il continue encore. Les Rolling Stones, Bob Dylan, ou encore un certain Eric Clapton ont eu un succès incroyable en reprenant des morceaux comme Crossroads, ou encore Love In Vain, qui n'est autre que le titre de ce livre.

Ce sont les éditions Glénat qui éditent ce petit bijou qui transpire le blues. On y parcourt dans les grandes lignes la vie de ce jeune prodige, qui jouait parfois dos à la scène afin qu'on ne lui pique pas son jeu de guitare ! Au-delà de cela, le livre est l'occasion de voir comment les nègres étaient encore traités au début du siècle dernier, en Amérique, pourtant déjà près d'un siècle après l'abolition de l'esclavage...

C'est Mezzo, dessinateur de la série Le roi des mouches, qui est ici aux dessins, et le moins que l'on puisse dire est que chaque planche, en noir et blanc, est d'une force incroyable. Les plans choisis, les grands aplats de noir, tout est fait pour rester culte, et le lecteur aurait presque envie de faire encadrer quelques planches, histoire de les exposer. Le format à l'italienne du livre est également parfaitement pensé, et se prête parfaitement aux dessins qui se retrouvent souvent pleine page, ou dans deux grandes et belles cases pleines de détails.

Un livre magnifique, sur le fond comme sur la forme, qui comblera les amateurs de blues, certes, mais pas seulement... Le tout est finalisé par de magnifiques double-pages avec d'une part les chansons les plus connues de Robert L. Johnson, et d'autre part de superbes dessins pleine page qui illustrent chacune des chansons en question. Un très beau cadeau à faire, qui pourra être lu et relu !