Les Chroniques de l'Imaginaire

Avant l'orage (L'insurrection - 1) - Sowa, Marzena & Gawronkiewicz, Krzysztof

Nous sommes à Varsovie, en 1944. La guerre sera terminée dans quelques mois mais ça, nul ne le sait encore... Alors, depuis les événements du ghetto de Varsovie un an plus tôt, la ville est encore sous la domination allemande, mais les choses semblent tout de même se tasser, même si les Polonais savent que n'importe quel soldat allemand pourrait les tuer comme cela, sans raison, et sans être inquiété...

C'est dans ce contexte qu'Edward et Alicja, deux jeunes personnes polonaises, se sont rencontrées. Et aujourd'hui est un grand jour, car Alicja va enfin présenter son compagnon à ses parents. Cela démarre par une rencontre d'une voisine, une rencontre où l'on voit, simplement, transparaître toute la solidarité polonaise. Et puis, la rencontre avec la famille d'Alicja a lieu, simple et chaleureuse. Zygmunt, le père d'Alicja, ne peut s'empêcher de déboucher une bouteille de vodka. Et puis, il y a Krystyna, la sœur d'Alicja, qui va bientôt épouser Roman...

Edward, comme le lecteur, a l'impression d'être dans une bulle de paix, à l'intérieur de ce petit appartement. Les traditions sont là et aucun soldat allemand n'a pu les faire disparaître. Pourtant, la famille d'Alicja a déjà largement payé son dû dans cette guerre, en perdant Jan, leur fils, qui semblait pourtant invincible dans ses incursions auprès des soldats allemands...

Ce premier tome de L'insurrection est aussi l'occasion de voir les relations entre Polonais, en mettant l'accent sur d'autres personnages que la famille d'Alicja. Notamment, on s'étonne devant la relation d'Anna, une voisine amie d'Alicja, avec un soldat allemand qui, dit-elle, n'a rien à voir avec les autres... Une véritable bombe à retardement, sans doute.

Marzena Sowa, l'auteure des six tomes de Marzi (déjà chez Dupuis, et en collaboration avec son mari dans la vie, Sylvain Savoia), continue de nous raconter l'Histoire de son pays, en positionnant les événements à une date clé de la seconde guerre mondiale, qui va bientôt se terminer. Un moment plutôt méconnu du grand public, puisqu'on ne parlera pas ici du ghetto de Varsovie. Marzena Sowa plante le décor, finalement pour le mettre en contradiction avec ce qui est plutôt une tranche de vie d'une famille polonaise normale, traditionnelle jusqu'au bout des doigts.
C'est cette contradiction qui est franchement remarquable dans ce tome. Bien entendu, on perçoit aussi les tentatives de redonner de l'espoir, et de l'humour, au peuple polonais, tout en ayant vraiment l'impression d'être dans une bulle, parallèle aux événements tragiques qu'a connus la ville de Varsovie.

Au niveau des dessins, c'est Gawron (de son vrai nom Krzysztof Gawronkiewicz) qui s'occupe de nous faire vivre ces événements, et cette contradiction, avec un dessin plein de force et de jeux de lumières. C'est tantôt lumineux, notamment dans l'appartement des parents d'Alicja, où la vie garde le dessus, et tantôt sombre, presque glauque, lorsqu'on se promène, de nuit, dans Varsovie, avec des édifices détruits et des affiches de propagande encore bien présentes. Les personnages de Gawron sont attachants et crédibles, avec de magnifiques silhouettes et des expressions parfaitement rendues, dans un style épuré qui rend la lisibilité tout simplement parfaite.

Un premier tome très réussi en tout cas, d'une grande force narrative, qui trouve parfaitement sa place auprès des autres écrins de la collection Aire Libre de Dupuis. Vivement la suite !