Les Chroniques de l'Imaginaire

Heureux les imbéciles (Sœur Marie-Thérèse - 2) - Maëster

Sœur Marie-Thérèse des Batignolles... A l'évocation de ce nom, il est difficile de ne pas imaginer cette immense bonne sœur, jurante, fumante et souvent alcoolisée, dont la carrure n'est pas sans rappeler celle d'un Arnold Schwarzenegger, inventée par Maëster en 1989. Cela ne nous rajeunit pas, mais que d'excellents souvenirs, en noir et blanc à l'époque, devant les gags qui s'étalaient sur plusieurs planches, et où chacun en prenait pour son grade, à la manière de Fluide Glacial, en alignant les jeux de mots terribles.

C'est donc avec un vif intérêt que nous redécouvrons ces planches, cette fois-ci, alléluia, nimbées des très belles couleurs de Ruby. La coloriste en question n'en est pas à son coup d'essai, loin s'en faut, puisqu'elle a déjà travaillé sur nombre de séries, dont Le Chant des Stryges d'Eric Corbeyran, le très beau Portugal de Cyril Pedrosa, ou encore des albums de Dupuy et Berberian, ou Blutch.

Et il fallait bien un tel niveau de colorisation, afin de garder intacte la lisibilité des gags de la fameuse bonne sœur (au risque certain d'attirer son courroux, qu'elle a facile, et celui de ses adorateurs, qu'elle a nombreux). Ici, aucun souci donc, cela coule de source, et les couleurs sont presque naturelles. Les cases de Maëster, souvent pleines de détails secondaires, le sont toujours autant, et il est toujours aussi jouissif d'aller chercher le moindre trait d'humour, le moindre petit détail qui tue, un peu à la manière de Gotlib.

Ce second tome est une franche réussite : je ne reviens pas sur les gags en eux-mêmes, toujours aussi incisifs, et tapant sur tout le monde, des contrôleurs de la RATP aux flics, en passant bien sûr par les différentes strates de la religion catholique. On se dit presque qu'aujourd'hui, malheureusement, une telle série aurait sans doute quelques difficultés à voir le jour, tant elle pourrait être sujette à de la censure. Heureusement qu'on remet donc au goût du jour des pépites comme celle-là !

Il est à noter que cette réédition en couleurs propose également un petit carnet graphique en fin d'ouvrage, qui nous propose de superbes dessins, colorisés eux-aussi, sur une pleine page, ou encore des croquis préparatoires ou des affiches d'anciens festivals réalisés par Maëster... De la belle ouvrage que ce bonus !