Les Chroniques de l'Imaginaire

Capitaine Trèfle - Dubois, Pierre & Hausman, René

Nous sommes en compagnie du capitaine Trèfle, en pleine Ardenne ardeneuse. Le capitaine se dirige à cheval vers un étrange manoir, qu'il se dépêche de rejoindre. D'abord, le temps ne se prête pas aux jeux de la cavalerie. Et puis, il entend des cris en provenance de l'édifice. Un petit être, nullement humain, est la victime des jeux de sanguinaires personnages, bien plus grands que lui. Il n'en faut pas plus pour que le capitaine Trèfle les mette à mal, même s'il laisse échapper celui qui semble être le chef de ces gredins...

Pour savoir qui est cet étrange petit être tombé maintenant dans les pommes, Trèfle n'a d'autre choix que de se rendre au manoir de Bucane Noctiflore, illustre magicien et astrologue de son état. Après quelques recherches et brèves analyses, l'évidence saute aux yeux de Noctiflore : ce petit être n'est autre qu'un guib, également appelé lutin des sables. Un être qui tire son énergie du sable, et le cas échéant du pâté d'algues et de goémons. Des éléments plutôt bretons, que l'on ne rencontre pas suffisamment dans les contrées avoisinantes.
Alors, le guib, appelé Nourcine, raconte ses mésaventures, notamment avec des pirates menés par Haggard Craspeck, l'homme que le capitaine Trèfle a vu s'échapper lors des derniers affrontements. Il se trouve que Craspeck a enlevé Dodeline, la petite et bien jolie compagne de Nourcine. Le méfait ne peut être laissé en l'état, et bientôt, c'est à bord de Lola, le bateau du capitaine Trèfle, que tout ce petit monde va se mettre à la recherche du monde des elfes, sirènes, et autres créatures imaginaires.

Pour cela, le tour du globe sera à faire, et c'est bien le minimum, pour retrouver Dodeline notamment, mais également pour nous faire admirer des paysages d'une grande variété, dessinés de main de maître par René Hausman !

Car cette bande dessinée, Capitaine Trèfle, est tout simplement une adaptation en bande dessinée, dans la collection Signé des éditions Le Lombard, du roman du même nom de Pierre Dubois, l'elficologue, qui scénarise également cette superbe adaptation.
Lorsque Pierre Dubois et René Hausman s'associent pour une production du neuvième art, autant dire que cela est toujours un petit événement. Et cette production sera bien loin de faire exception à la règle. Capitaine Trèfle est un one-shot exemplaire : la narration y est d'une subtilité rare, presque poétique, et l'histoire qui est contée l'est avec une maîtrise impressionnante de justesse. Cela fait des décennies que ces auteurs racontent des histoires, le fait de mêler les genres ne les effraie nullement, et cela se ressent tout au long de ces planches.

Et c'est en cela que ce one-shot est impressionnant ; on y retrouve divers univers de l'imaginaire collectif : de la fantasy, des pirates, des indiens, des créatures enchantées de toutes sortes (et même des créatures qui m'étaient inconnues !). Pour autant, le récit semble couler de source, presque avec une évidence et une facilité déconcertantes. Les clins d’œil sont nombreux (L'île au trésor...), et les relectures multiples ne seront pas de trop pour apprécier chaque détail à sa juste valeur.

Certes, les dessins de René Hausman ne sont pas étrangers à cela, avec des personnages et des animaux venus des crayons uniques du dessinateur expérimenté, des débauches de couleurs, de lumière et de plans audacieux. Chaque case fourmille de détails et l'auteur nous enchante toujours autant, notamment sur ses merveilleux dessins en pleine page. Du grand art, tout simplement, que ceux qui connaissent son travail ne pourront que retrouver avec émerveillement.

Cela peut paraître simple de faire la bande dessinée, lorsqu'on voit un livre comme celui-là. Et pourtant, quel travail de fourmi il y a derrière tout cela !