Les Chroniques de l'Imaginaire

Les joueurs de Titan - Dick, Philip K.

Pete Garden est très contrarié : sur un coup de bluff raté, il a perdu Berkeley, qui était sa résidence principale. En plus, son ancienne possession a aussitôt été acquise par un important joueur de la Côte Est qui espère accéder ainsi aux tables de Jeu de l’Ouest pour faire mains basses sur les villes. Et il a également perdu sa femme, il va lui falloir tirer un 3 aux dés pour en obtenir une autre. Mauvaise journée, vraiment.

Dans cette Terre future, les Humains ont perdu la guerre contre les Vugs venus de Titan. Les vainqueurs ont imposé le Jeu, et les Possédants passent leurs soirées à s’échanger villes et épouses en fonction des cartes qu’ils tirent et de leur habileté à bluffer. Quant aux non-Possédants, qui n’ont aucune ville à Jouer, ils vivotent dans les villes quasi-désertes. Quasi-désertes, parce que la guerre a eu comme effet secondaire la baisse de la fécondité : avoir un enfant est désormais une chance rare.

L’univers imaginé est étrange mais facile à appréhender. Comme beaucoup de romans de Philip K. Dick, celui-ci a plutôt bien vieilli. Certes, l’auteur n’avait pu imaginer en 1963 l’apparition massive des smartphones pour communiquer, mais l’Effet Rushmore, qui permet aux objets de parler, remplace élégamment l’informatisation de la société. On retrouve avec plaisir les pouvoirs Psis dont l’auteur est friand (télépathie, précognition, télékinésie…), accordés à une petite partie de la population et jouant un rôle dans l’intrigue.

L’histoire commence comme un polar, avec un meurtre dont il faut déterminer le coupable. Pas facile, quand plusieurs meurtriers potentiels ont vu leur esprit effacé ! Bien vite, cependant, un complot pointe le bout de son nez et cela tourne à la science-fiction pure, avec une confrontation inévitable (mais originale) entre les Humains et les Vugs.

L’ambiance est très spéciale, torturée, typique de l’auteur. Le héros, Pete Garden, est suicidaire et paranoïaque. Sous l’emprise de la combinaison alcool / médicaments, il a des hallucinations et approche de la folie. Il est dans le doute, ne peut avoir confiance en personne, pas même en lui-même. A sa suite, le lecteur se perd également, ne sait plus où on veut l’emmener.

Ce n’est pas le roman le plus connu du prolixe Philip K. Dick, mais il est intéressant et distrayant, et saura convaincre aussi bien les fans que ceux qui veulent simplement découvrir l’auteur.