Certaines civilisations marquent l'histoire de leur empreinte des siècles durant. Rome en est le parfait exemple. D'autres peuples, par contre, disparaissent de l'historique collectif au fil des années. Ils régressent jusqu'à revenir à l'état primitif. Les Pictes de la grande île britannique furent ceux qui ont retenu l'expansion romaine au mur d'Hadrien. Des êtres râblés, bruns, cruels et hideux qui courent les landes de bruyères sans bruit et toujours prêts à répandre le sang de leurs ennemis, qu'ils soient romains, celtes ou scandinaves.
Jadis, un grand roi les a mené à résister à leurs envahisseurs, un roi habille et intelligent, Bran Mak Morn.
Robert E. Howard a utilisé ses Pictes dans la plupart de ses sagas, principalement face à Conan ou à Kull. Il a écrit quelques textes où cette race est au centre de l'attention, ce sont ces récits que nous allons découvrir dans cette intégrale traduite et présentée, comme à l'habitude, par Patrice Louinet.
Cet ouvrage se décompose en deux parties. La première est consacrée aux Pictes à leur ère et la seconde, sur le Petit peuple, regroupe différents récits ayant lieu à une époque contemporaine de l'auteur où les Pictes dégénérés sont présentés au moyen de souvenirs ou de rêves.
Pour Howard, les Pictes sont des sauvages primitifs dotés de qualités qu'il apprécie fort (héroïsme, férocité, courage...). Ils sont l'opposé à la civilisation et leur auteur les aime. Ce dernier se retrouve, d'ailleurs, personnellement dans le roi qu'il leur a créé, le fameux Bran Mak Morn, qui, pourtant, est éloigné des canons habituels des personnages howardiens.
Néanmoins, le roi picte ne profite pas de cette affection pour devenir un héros flamboyant et récurrent. Il joue un rôle important dans deux textes uniquement, Les rois de la nuit et Les vers de la terre. Il n'est plus, ensuite, qu'évoqué, à l'instar des Pictes qui deviennent une menace ou des alliés plus ou moins lointains.
Les nouvelles dans Bran Mak Morn sont de qualité variable. Il y a, dans la première partie, du bon comme Les rois de la nuit ou La race perdue qui sont du grand spectacle, un texte renommé, Les vers de la terre, bien écrit et singulier dans la production de Howard, et bien d'autres qui donnent l'impression d'avoir été bâclés. Ces récits sont lourds, embrouillés, répétitifs et leur style manque clairement de maturité. Ici, seule la curiosité du lecteur le poussera à tourner les pages. Ayant lu plusieurs intégrales de Howard, je m'attendais à ces fluctuations. Par contre, la deuxième partie du livre m'a agréablement surpris.
Le mélange de récits contemporains et d'aventures passées est généralement bien construit et est entraînant. L'atmosphère de ces histoires tend, en outre, vers celle qu'on peut apprécier dans les meilleures nouvelles de Lovecraft. Un bémol tout de même, les thèmes raciaux abordés par l'écrivain sont à prendre avec des pincettes, aujourd'hui, et pourraient ne pas plaire à tout le monde, d'autant qu'il s'appuie dans sa narration sur des théories pseudo-scientifiques douteuses.
Alors, en définitive, que penser de cette intégrale Bran Mak Morn ? Les amateurs de Howard y trouveront leur compte dans cet assemblage de récits parmi les plus personnels qu'il a écrit au cours de sa courte carrière. Ces lecteurs ne regretterons pas l'acquisition de ce livre instructif et ils pardonneront facilement la pauvre qualité de certains des textes. A contrario, si vous cherchez simplement de la fantasy d'aventure pleine d'action, passez votre chemin et orientez-vous vers les autres créations de l'auteur texan : Conan, Kull, Solomon Kane,...