Les Chroniques de l'Imaginaire

Par-delà la légende (Par-delà la légende) - Matheson, Richard

Ce recueil contient les trois plus grands chefs-d’œuvre de Richard Matheson : Je suis une légende, L'homme qui rétrécit et Le jeune homme, la mort et le temps.
C'est toujours avec un grand plaisir que je retrouve les histoires si passionnantes de cet auteur.

Je suis une légende
Robert Neville est le dernier humain encore vivant. Tous les autres ont été atteints par un virus effroyable qui les a transformés en vampires, en morts-vivants, qui ne peuvent sortir que la nuit, qui craignent l'ail, les croix, les miroirs. Et qui cherchent à se nourrir du dernier humain encore vivant.
Seul dans la ville, il résiste. Il passe ses journées à fabriquer puis à planter des pieux dans les corps des vampires endormis afin qu'ils ne viennent pas le chercher la nuit, à renforcer les protections de sa maison, et même à faire des analyses de son sang, et du sang des vampires, pour essayer de comprendre.
Un jour, en plein soleil, il va rencontrer une femme, alors que cela fait déjà trois ans qu'il est seul face aux démons.

Même si on connait l'histoire, on se laisse prendre par la magie de l'écriture de Matheson. C'est rythmé, dynamique, très bien raconté. Les détails foisonnent et donnent vraiment l'impression au lecteur d'être dans cette ville abandonnée, silencieuse, et morbide.
Une réussite !

L'homme qui rétrécit
L'histoire commence dans une cave. Scott cherche à se défendre d'une énorme araignée qui veut le croquer.Tout dans cette cave est dangereux pour lui. Et pour cause, il ne mesure que deux centimètres !
Mais il n'a pas toujours fait cette taille. Avant, c'était un homme normal, de taille normale, un bon mètre quatre-vingt. Un jour, il a fait une petite promenade en bateau avec son frère et tandis que ce dernier se prélassait dans la cale du bateau, Scott a été pendant un très court instant exposé à un phénomène de tourbillon assez étrange qui n'a pas duré.
A partir de ce jour-là, il a commencé à voir sa taille réduire, ses organes internes se réduisant proportionnellement.

On retrouve ici aussi l'écriture vivante et imagée de Matheson. Les obstacles insurmontables de la cave (pinceau, chaise, table, bidon de peinture, araignée...) deviennent énormes et on se sent vraiment tout petit en lisant les aventures de Scott.
Ces chapitres alternent avec d'autres qui racontent comment Scott a progressivement rapetissé, et comment sa femme, sa fille, sa mère, son entourage proche, les médecins, ont réagi face à cela.

Je dois l'avouer, parfois, j'ai eu du mal à visualiser les déplacements et les actions très détaillés du tout petit homme d'à peine quelques millimètres, luttant dans la cave. J'ai trouvé certains passages un peu longs et répétitifs. Il passe d'un coin de la cave à un autre pour survivre, trouver une miette de pain à manger, lutter contre l'araignée... C'est un peu toujours la même chose et on n'a plus l'effet de surprise au bout d'un moment.
Heureusement, ces passages sont entrecoupés d'autres beaucoup plus intéressants car il y est raconté comment Scott et sa femme ont réagi face à ce phénomène si étrange, les coups de colère, la rencontre avec une autre femme, les conflits avec sa fille, et surtout, comment il s'est retrouvé piégé dans cette cave.

Au final c'est un roman agréable à lire, original et vraiment bien écrit, mais qui mériterait peut-être d'être allégé.
C'est celui que j'ai le moins aimé des trois, tout en l'ayant tout de même apprécié !

Le jeune homme, la mort et le temps
Richard Collier se sait condamné par une tumeur inopérable. Il décide de tout quitter et de partir sur les routes, au hasard. Scénariste de métier, il raconte dans son dictaphone tout ce qu'il voit, ce qu'il fait.
Au départ, les transcriptions sont courtes, en tout petits paragraphes, légères ou non, selon l'intensité de ses migraines. Puis il découvre par hasard un hôtel imposant, ayant un vécu prestigieux, dans lequel il se sent tout de suite bien.
Il décide de s'y attarder plus que prévu car il sent un mystère planer. Quelque chose l'attire.
Lorsqu'il découvre une sorte de musée au fond de l'hôtel, sa vie va changer. Le roman également change complètement : finis les petits paragraphes courts, les phrases sans verbe, on se retrouve dans un vrai roman, construit en longs paragraphes, avec de véritables phrases.
Dans ce simili-musée, Richard découvre qu'une grande star du théâtre américain, Elise McKenna, a donné un jour une représentation dans l'hôtel. C'était il y a soixante-quinze ans environ, en 1896. En admirant sa photo, il tombe immédiatement amoureux d'elle. A l'aide de livres, il se renseigne sur ce grand nom du théâtre. Obnubilé par elle, il va tout faire pour la rejoindre en 1896, en s'auto-hypnotisant. Et il va réussir !
Leur histoire d'amour va être belle, violente, très romantique. Mais cela ne se finira pas comme il le souhaiterait.

Bien sûr, revenir dans le passé uniquement par la suggestion, cela peut paraitre absurde, mais on est dans un roman, et la suite de l'histoire est si belle qu'on adhère sans problème. D'autant que l'auteur a judicieusement prévenu le lecteur dès le départ du roman, en commençant par un préambule du frère de Richard qui explique qu'il a trouvé les notes de son frère décédé, a hésité à les faire publier car il est très difficile de croire à son histoire, surtout lorsque l'on sait qu'il souffrait d'une tumeur au cerveau.

Le lecteur peut ainsi se faire sa propre opinion : soit il a réellement réussi à retourner dans le passé, soit sa tumeur lui a fait tout imaginer. Quelle que soit la réponse, il n'empêche que ce roman est magnifique, superbement bien écrit, bien mené. Il fait la part belle au romantisme, à l'amour, et pourra rebuter les lecteurs avides de vampires, ou de sensations fortes.

Cette deuxième lecture de ce roman a pour moi été aussi agréable que la première, et même si je connaissais déjà la fin, je me suis immédiatement retrouvée sous le charme de cet hôtel suranné, dont je sentais presque l'odeur imprégnant les tapis et les lourdes tentures. Et encore une fois, j'ai été émue par l'amour liant les deux personnages, un amour immédiat et sincère.
C'est un très beau roman, qui laisse son empreinte dans l'esprit du lecteur.

La force de l'écriture de Richard Matheson vient également du fait que ses romans ne se terminent pas. Il laisse la part belle à l'imagination du lecteur qui peut ainsi poursuivre dans son esprit chacun de ces trois romans. Que va devenir Robert Neville une fois confronté à ses ennemis ? Que va faire Scott lorsqu'il aura atteint une taille microscopique ? Qu'a fait Elise lorsque Richard est mort ?
On ne peut s'empêcher à la fin de chaque roman, d'imaginer et d'écrire la suite dans notre tête.
De très grands romans à lire absolument !