Les Chroniques de l'Imaginaire

Les chiens de Belfast (Karl Kane - 1) - Millar, Sam

Il y a vingt ans à Belfast, des chiens s'échappaient du zoo et laissaient derrière eux les reliefs d'un cadavre. Aujourd'hui, ce sont des cochons sauvages qui ont gagné leur liberté et les macchabées apparaissent. Le détective privé Karl "le meilleur de Belfast" Kane (c'est de lui) est engagé par un homme d'affaires pour enquêter sur le premier d'entre eux, un inconnu qui a sacrément souffert.

Millar nous sort une enquête noire avec tous les ingrédients de jadis : le privé qui a raté sa vie, fauché, tendance alcoolo, imbu de lui-même ; l'environnement glacial et pluvieux de Belfast ; une bande de flics brutaux et limites ; un job glauque et complexe et une atmosphère envoûtante.
Sa sauce prend brillamment et j'y retrouve le ton, le piquant et l'ambiance que j'adore chez ses illustres confrères comme McBain, Hammett ou Manchette. Millar emballe. On n'est pas dans un pub avec du Bush' et de la Guinness, sa tchatche fonctionne par écrit. Son histoire et ses personnages se mettent en place avec une facilité incroyable. Le récit coule naturellement et on se retrouve aussi paumé que Kane dans une affaire qui grandit de jour en jour. Ça va lui péter à la gueule, ça va nous péter à la gueule et on aime.
Les dialogues cognent, les chapitres fusent, les références sont imagées. C'est aussi grâce au travail remarquable de Raynal, le traducteur.

En contrepartie, Les chiens de Belfast n'est pas follement original, il est classique mais efficace. Par ailleurs, trois choses ont, toutefois, diminué mon enthousiasme face à ce roman. La narration n'est pas centrée sur la personne de Kane, tout comme elle n'emploie pas le "je". Certaines sections nous envoient vers d'autres personnages jamais évoqués auparavant mais au nom et/ou à la description proches d'un autre intervenant. Compte tenu de la multiplicité des acteurs, on est vraiment perdu lors de ces passages et c'est agaçant.
Ensuite, la conclusion de l'enquête semble tomber opportunément du ciel à la manière d'un gros coup de bol pour le privé. Troisièmement, l'écriture des SMS est horripilante, elle est digne d'un attardé mental, pas d'un ado.

Mais ne prenez pas peur, le reste est tellement bon que ces défauts s'évanouissent rapidement. Millar nous offre un roman noir des années deux mille. Ce putain d'Irlandais fait son boulot à merveille, Les chiens de Belfast est une histoire passionnante et brutale. En plus, ce bouquin est le premier d'une trilogie.