Nous sommes à Stockholm, en 1945, après la fin de la guerre, au ministère des affaires étrangères de Suède. Un homme finlandais, appelé Félix Kersten, est là et apprend que sa demande pour devenir citoyen suédois vient d'être refusée, suite au changement de gouvernement, qui n'est plus un gouvernement de coalition. Il faut dire que Kersten a un lourd passé, puisqu'il a été tout simplement le médecin personnel du reichsführer Himmler en personne, très proche d'Hitler pendant la guerre.
Le dossier de Kersten devrait ainsi être jeté aux oubliettes, mais voilà que Vilhelm, un employé zélé du ministère suédois, se décide à le parcourir plus sérieusement, pour y découvrir que Kersten n'a rien d'un nazi assoiffé de la mort des juifs. Ainsi, c'est dès 1939 que Kersten devient le médecin attitré d'Himmler, car il est le seul à pouvoir calmer les douleurs d'estomac du reichsführer. C'est bien simple : Himmler ne peut pas se passer de son médecin durant plus de quelques jours, tant ses soins sont les plus efficaces.
Alors, le médecin finlandais va être l'objet des confidences les plus froides et les plus secrètes, de la part d'Himmler en personne. Le médecin finlandais parvient même à se rendre quelques jours à La Haye, là où est sa demeure, et il va pouvoir passer un certain nombre d'informations à la plupart de ses amis. Pour autant, Kersten a du mal à supporter son quotidien. Il sait que sa vie ne tient qu'à un fil, et qu'Himmler pourrait décider de le faire arrêter, ou exécuter, d'un simple claquement de doigt.
Mais cela n'arrive pas ; la confiance d'Himmler envers son médecin est aveugle, et elle est une alliée de poids dans les honoraires demandés par Kersten : pas d'argent, mais la vie d'hommes prisonniers, que Kersten va réussir à faire retirer des griffes de la Gestapo, souvent in-extremis d'ailleurs... Les sauvetages en question ne sont d'ailleurs pas sans attirer l'attention de proches d'Himmler, comme son bras droit Heydrich, chef de la Gestapo, qui met bientôt le bon docteur en surveillance dans le moindre de ses déplacements...
C'est Patrice Perna qui scénarise ce qui sera un diptyque qui paraît chez Glénat. Heinrich Himmler est un personnage glacial, connu comme étant le plus grand meurtrier du siècle dernier. Le scénariste compare le personnage avec le diable en personne, diable avec lequel Kersten, un médecin non allemand, va avoir l'impression de passer un pacte.
Ainsi, tout le scénario tient, de façon convaincante et intelligente, dans la relations entre Kersten et Himmler, un homme froid, mais qui a des faiblesses physiques qui nécessitent des soins quasiment quotidiens. Kersten se retrouve ainsi au centre de l'Histoire, réussissant même à influer sur les décisions de l'un des plus grands bourreaux connus.
Et c'est Fabien Bedouel qui a la charge du plan graphique de cette série historique. Le dessinateur n'en est pas à son coup d'essai avec le genre, notamment avec sa collaboration avec Fabien Nury sur L'or et le sang, ou encore avec Un long destin de sang chez 12bis. On retrouve avec plaisir un dessin précis et épuré qui fait la part belle à la lisibilité. De grands aplats noirs sont souvent utilisés et ils sont là encore du plus bel effet, dans la mise en valeur d'une marche de soldats, ou dans l'expression réussie de bien des personnages.
En définitive, on tient là le premier tome d'une série historique à travers les yeux d'un personnage peu connu, un peu comme ce qu'on pouvait lire dans une série comme Il était une fois en France, encore de Fabien Nury : on pouvait difficilement prendre mieux comme exemple de récit !