Le futur de notre humanité est assez particulier et pas forcément toujours très enviable. Cela fait maintenant trois générations qui se succèdent à bord du Victoria III, un immense vaisseau parti de la Terre dans l'espoir de trouver quelque part dans l'espace une nouvelle planète habitable. Le vaisseau en question est gigantesque puisqu'un million de personnes y vivent, avec des jardins artificiels et même un étang, qui permettent à tous de jouir de tout le confort.
Dans cette petite société, il y a comme toujours des dirigeants. C'est ici Huges Hecker, un vieil homme qui n'a pas connu la Terre, qui a le rôle de premier conseiller. Hecker n'a de cesse d'encourager la foule, de proclamer que son peuple porte encore fièrement les espoirs de ceux qui sont restés sur Terre. Mais ses paroles ne sont pas pour autant bues par tout le monde, à commencer par Elise, mignonne enseignante qui n'est pas dupe, et surtout qui parvient encore à réfléchir par elle-même...
Tandis que la jeune femme aux idées progressistes est tout de même pacifique, cela n'est pas le cas de tous ceux qui veulent du changement. Ainsi, deux camps se séparent clairement d'un point de vue politique, avec les conservateurs qui en viennent à aimer cette vie où tout le confort est disponible. C'est une triste réalité, mais il s'avère que de plus en plus de monde préfère garder cette vie, plutôt que se fatiguer à tout reconstruire sur une nouvelle planète.
Elise découvre ainsi que les siens deviennent de plus en plus attachés à leurs idées, et les confrontations sont à leur paroxysme lorsque l'ordinateur de bord indique qu'une planète habitable vient d'être détectée. Celle-ci sera atteinte par le vaisseau d'ici quelques jours à présent... Les débats s'accélèrent au sein du vaisseau et Elise ne peut qu'assister, impuissante, à la folie qui anime les siens : par leur faute, le vaisseau va s'écraser sur la dite planète, et seuls quelques survivants, dont Elise, auront maintenant à coloniser une planète, qui n'est pas la leur puisque déjà habitée par une espèce intelligente...
Philippe Ogaki, dessinateur de Meteors ou encore de Les guerriers du silence, nous propose ici une vision très noire de ce dont est capable l'espèce humaine. L'auteur est ici seul aux commandes, puisque cette fois il est également au scénario de ce Terra Prime. Autant être clair immédiatement : La Colonie, ce premier tome de la série, est diablement abouti et efficace.
Au niveau des influences, on navigue entre un Wall-E plus adulte et un Avatar lorsque les hommes doivent découvrir un environnement nouveau, totalement inconnu. Philippe Ogaki pense également à nous parler d'un scientifique fou qui essaie de mettre au point le futur être humain de l'espace, à force d'expériences, de génétique et d'évolution qui lui donneraient une contenance certaine au cinéma. Toutes ces influences se mêlent de façon ordonnée et intelligente : il est clair que Philippe Ogaki réussit parfaitement son coup en scénarisant cette histoire.
Côté graphique, là encore, on tient un livre aux dessins détaillés, où aucune case n'est laissée au hasard, que ce soit au niveau des personnages et de leurs costumes, ou dans les pièces sombres du gigantesque vaisseau présenté ici. Les décors sont également de toute beauté, entre des ambiances à la Alien ou le côté luxuriant de superbes jungles inconnues, peuplées de monstres qui mettent en avant le bestiaire du dessinateur. Terra Prime offre à Ogaki la possibilité de s'exprimer de façon variée, et il est clair que l'auteur s'est éclaté en travaillant sur ce premier tome.
De la science-fiction intelligente et prenante, qui trouvera sans doute un excellent écho auprès des fans du genre, et qui devrait même s'étendre au-delà, auprès des fans des autres séries de l'auteur !