Les Chroniques de l'Imaginaire

Celle qui a tous les dons - Carey, M.R.

Elle aurait aimé s'appeler Pandore mais Mlle Justineau en avait décidé autrement. Ce sera Mélanie, le prochain prénom de la longue liste où elle fait son choix à chaque nouvelle arrivée.
Mélanie a dix ans et son univers se résume à sa cellule, un long couloir, la salle de classe et celle de douches. Elle imagine à quoi peut ressembler la vie à l'extérieur, là où les affams vous dévorent. Ici, même si la vie est monotone, au moins, elle est en sécurité, dans ce bloc situé entre Londres et Beacon.
Chaque matin, Sergent et son équipe la sortent de sa cellule pour la conduire en classe avec les neuf autres enfants comme elle. Ils sont toujours soigneusement sanglés à leurs chaises, pieds, mains et tête solidement maintenus pendant leurs leçons. Il n'y a que dans leur cellule où on les laisse libres.
Mais qui est donc Mélanie ? Pourquoi les adultes du bloc la traitent comme si elle était... dangereuse ?

Avec Celle qui a tous les dons, M.R. Carey nous offre une histoire de zombies innovante. Habituellement, les morts-vivants sont des coquilles vides poussées par une faim incontrôlable. Ici, on découvre que certains enfants infectés conservent toutes leurs capacités intellectuelles et émotionnelles. Ils restent néanmoins dangereux puisque l'odeur humaine les transforme vite en mangeurs de chair. Dans le cocon d'un bunker, au milieu d'un monde livré au chaos, un groupe de chercheurs étudient ces enfants, espérant trouver une réponse à cette particularité, et surtout, par extension, un vaccin contre l'infection.

Le récit, à la troisième personne, navigue entre plusieurs personnages, nous offrant ainsi un point de vue différent de la situation : il y a bien sûr Mélanie, qui découvre le monde qui l'entoure avec une candeur et une naïveté touchantes. Il y a Caldwell, la scientifique, froide et déterminée à sauver l'humanité, peu importent les moyens. Parks, le sergent, un militaire pur jus, fidèle à sa mission de protection. Melle Justineau, l'enseignante-psychologue qui s'est bien malgré elle attachée à Mélanie, devenant une sorte de figure maternelle. Et enfin Gallagher, un « apprenti » soldat, qui n'a connu que le monde actuel et ses dangers.
Il ne faut pas céder à la première approche et les classer dans une catégorie fermée, à savoir les méchants d'un côté et les gentils de l'autre. Finalement, chaque position est défendable, sans pour autant être acceptable. Et tous possèdent leur part d'ombre ou de lumière. Chacun donne sa vision de la situation au fil des chapitres, invitant le lecteur dans une réflexion assez poussée. Qu'est-ce qui est juste ? Jusqu'où peut-on aller pour le bien commun ? L'individu est-il moins important que l'humanité toute entière ?

Toute la première partie est construite comme un huis-clos angoissant, surtout tant qu'on ne sait pas ce qu'est Mélanie, même si je dois avouer que c'est un secret de polichinelle, car j'ai compris dès les premières pages la grande surprise. C'est néanmoins la partie que j'ai préférée. Puis dans un second temps, le récit se transforme en exercice de survie plus classique, où notre groupe se retrouve jeté sur les routes, entouré par le danger. Le tout est très visuel et, d'ailleurs, vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'une adaptation cinématographique est prévue.

Si l'action est bien présente, cet ouvrage pose aussi de nombreuses questions sur ce qui fait de nous un être humain. La fin est réellement surprenante et inattendue. Même si le texte souffre de quelques longueurs, ce roman se dévore littéralement. Et j'attends sa version cinématographique avec encore plus d’impatience.