En 1824, Francisco de Goya est un homme âgé, 78 ans, et il est là pour redémarrer une nouvelle vie, après les terribles événements dont il a été le témoin en Espagne, avec les conflits mêlant le jeune roi Ferdinand et les Français menés par Bonaparte. C'est sur un corps de ferme que Goya jette son dévolu, dans une demeure grande, certes, mais qui implique un travail important pour rester debout...
Qu'à cela ne tienne : Goya est entouré, et il est notamment accompagné de Léocadia et de sa fille, Rosario, une jeune adolescente qui est un rayon de jeunesse dans la vie de Goya, même si ce dernier a de plus en plus de mal avec la lumière et la vie. Il faut dire que l'homme est de plus en plus fatigué. Sa surdité n'arrange rien, surtout pas son côté bougon qu'on pourrait attribuer à l'âme d'artiste...
Alors, Goya va se remettre à peindre, directement sur les murs de sa nouvelle demeure. Des peintures noires, glauques, qui suivent parfaitement l'humeur de plus en plus acariâtre du peintre. Au fil du temps, Goya n'hésite pas à faire souffrir son entourage, tuant par exemple le jeune chien de Rosario, polluant l'air des fortes odeurs de peinture, fragilisant peu à peu la santé de Rosario et de Léocadia, une femme forte qui en a vu bien d'autres...
C'est ainsi que des uvres d'une profonde noirceur ont pu naître, notamment ce portrait de Saturne dévorant l'un de ses fils, les yeux exorbités, le regard complètement fou... Ce sont ainsi plusieurs centaines duvres que l'auteur espagnol aura laissés derrière lui, entre des portraits d'une immense maîtrise, et des croquis bien plus sombres de ce dont Goya a été le témoin.
Cette bande dessinée est l'occasion de voir un peintre d'un caractère hors-norme. Un personnage en fin de vie, pour qui seule la peinture a encore de l'importance. Comme s'il fallait absolument pondre un maximum duvres avant de s'éteindre... Les dessins de Benjamin Bozonnet font mouche, en étant parfaitement adaptés au récit d'Olivier Bleys. Les personnages sont centraux, et les visages sont taillés à la serpe, notamment celui de Goya, qui est presque fou par moments...
Un personnage hors-norme qui n'est pas forcément montré sous un angle très humain ici, mais c'est aussi cela, le trait des génies... Une bande dessinée tout à fait digne d'intérêt en tout cas !