Les Chroniques de l'Imaginaire

Sauvage : biographie de Marie-Angélique Le Blanc 1712-1775 - Bévière, Aurélie & Morvan, Jean-David & Hersent, Gaëlle

Nous sommes en septembre 1731, au cœur de la forêt de Saint-Martin-aux-Champs dans la Marne. Des hommes à cheval pourchassent une étrange créature humanoïde qui semble avoir tué une de ses semblables. Maigre, d'une saleté répugnante, peu vêtue, elle court néanmoins aussi vite qu'un animal et échappe à ses poursuivants.
Peu de temps après, la créature s'attaque à un troupeau de moutons, tuant le chien chargé de leur garde. Les bergers la mettent en fuite. Dès lors, la rumeur se répand qu'un démon hante les bois.

Un jour, des habitants du petit bourg de Songy l'aperçoivent dans un arbre. Seule une femme ose s'en approcher et découvre que ce n'est point l’œuvre du démon mais une jeune fille. Capturée, elle est conduite chez le vicomte. Mais elle s'échappe et se précipite dans la cuisine où elle dévore une poule crue en attente d'être préparée. C'en est trop pour la cuisinière, furieuse de voir sa cuisine dans un si triste état. Elle attrape la sauvage et la jette dans un bac d'eau. Et là, surprise : sous la crasse, tous découvrent une frêle jeune fille blanche de peau. Mais qui est-elle ? Que lui est-il donc arrivé ? Est-il possible de la civiliser ?

Sauvage est la biographie très personnelle et romancée de la vie de Marie-Angélique Le Blanc. Découverte à l'état sauvage dans la Marne, cette jeune femme deviendra une véritable femme du monde. C'est un cas unique d'enfant sauvage qui réussira à apprendre à lire et à écrire, devenant une figure marquante du siècle des Lumières. De ses années dans les bois, on sait peu de choses et donc les auteurs ont choisi d'imaginer des épisodes plausibles. Mais le reste de sa vie, depuis son enfance en Amérique en passant par son éducation dans plusieurs couvents jusqu'à sa rencontre avec la reine et sa fin de vie, est très documenté, s'appuyant sur le travail de Serge Arole ainsi que sur des recherches personnelles. D'ailleurs, un cahier en fin d'ouvrage nous explique la démarche des auteurs.

C'est une leçon d'Histoire qui nous est proposée, romancée certes mais plausible. Le destin d'une femme exceptionnelle qui semble avoir vécu plusieurs vies. A chaque obstacle, elle se relève et repart plus forte que jamais. Mais c'est aussi l'histoire d'une époque, où la religion a un rôle prépondérant, où des idées nouvelles émergent, celle d'un bon sauvage par exemple. D'ailleurs, tout au long du récit, on se demande ce qui est le plus sauvage : les années dans les bois ou les tentatives d’éducation par la suite...

Gaëlle Hersent est aux crayons. Le trait est dynamique, vivant. Elle utilise une palette de couleurs sobre et assez terne : pas de teintes éclatantes ou vives. Même si je ne suis pas vraiment conquise par son graphisme, j'avoue qu'il sert parfaitement le récit. Coté texte, on alterne les planches très narratives avec d'autres plus contemplatives, sans écrit ou presque. Cela laisse le temps au lecteur de souffler, d'assimiler les choses, à l’image de Marie-Angélique qui découvre le monde.

Une histoire passionnante qui m'a permis de faire la connaissance d'un destin incroyable. A recommander aux passionnés d'Histoire.