Les Chroniques de l'Imaginaire

Lune noire - Calhoun, Kenneth

Pour une raison encore inconnue, le futur de l'humanité n'est pas bien reluisant. Pas spécialement à cause de la pollution ou de la surpopulation, mais à cause d'un phénomène tout autre, que l'Homme n'a pas vu venir : en quelques semaines, les hommes ont perdu la faculté de s'endormir. Partout, et pas forcément au même moment. Cela commence toujours de la même manière, avec des insomnies comme celles que l'on connaît tous, et puis, nuit après nuit, rien n'y fait...

Alors, les insomniaques perdent peu à peu le sens des réalités. C'est ce à quoi Biggs peut assister. Lui, comme quelques autres qui n'ont pas été touchés par ce phénomène. Biggs assiste à la descente aux enfers de sa femme, Carolyn, et il est amené à devoir se cacher pour prendre le repos auquel il a encore droit. Oui, se cacher, car s'il y a une chose que les insomniaques ne peuvent pas supporter, c'est de voir quelqu'un dormir. De quoi les rendre fous de rage, et les faire commettre les pires atrocités...

Ainsi, l'humanité, dans sa globalité, est appelée à disparaître. On voit des parents qui, dans leurs délires, finissent par assassiner leur propre bébé qui a eu le malheur de pouvoir s'endormir. Par endroits, des poches de gens qui peuvent encore trouver le sommeil s'organisent, avec une logistique à toute épreuve pour pouvoir se cacher du regard de l'immense majorité de la population. Dans ce cauchemar éveillé où les somnifères sont devenus plus rares et chers que l'or, Biggs va devoir survivre, et il ne pourra plus compter que sur les souvenirs de son épouse pour avancer...

C'est grâce aux éditions Actes Sud que l'on peut découvrir cette vision cauchemardesque, c'est le mot, de Kenneth Calhoun sur le futur de notre société. L'auteur ne parle nullement de zombies dans ce livre, mais il faut reconnaître que l'on s'en approche franchement, notamment au regard des atrocités commises de façon irrépressible par une large part de la population mondiale.

Ainsi, on suit plusieurs groupes de personnages, plus ou moins atteints par ce phénomène sans doute bactériologique : Biggs qui perd, au sens propre, sa femme insomniaque, Lila, qui est chassée de chez ses parents avant que ces derniers ne commettent l'irréparable devant le sommeil de leur fille, et Chase, qui trouve là l'occasion de devenir riche grâce à la médication.
Mention spéciale pour cette scène où des chirurgiens en manque de sommeil, et donc de discernement, essaient d'opérer dans l'urgence le plus brillant d'entre eux, dans une tentative qui restera bien entendu vaine...

C'est à un véritable cauchemar éveillé que nous convie Kenneth Calhoun : bien souvent, on assiste aux dialogues sans queue ni tête, et aux propos incohérents tenus par les malheureux insomniaques. Les situations sont également l'objet de nombreux flash-back, ainsi que de nombreuses descriptions, qui ne nous aident malheureusement pas toujours pour garder le fil rouge de l'histoire. Et c'est là où le bât blesse : on a des situations intéressantes, prises unitairement, mais un vrai mal à relier l'ensemble des éléments, pour constituer une vraie histoire cohérente. Un peu comme dans les recueils constitués par Wild Cards...

Un roman où l'idée de base est intéressante, bien écrit malgré tout, mais qui pêche par un manque de cohérence et d'une trame facile à suivre : à réserver aux amateurs de zombies qui souhaitent changer un peu des monstres sanguinaires de The Walking Dead !