Vic McQueen a dix ans lorsqu'elle emprunte le Raccourci pour la première fois. Elle vient d'entendre ses parents se disputer à propos d'un bracelet perdu quand elle décide de partir à sa recherche sur son nouveau vélo. En passant devant le vieux pont couvert qui menace de s'écrouler, elle brave le danger et s'y risque... pour déboucher en quelques secondes des dizaines de kilomètres plus loin, sur la plage de Hampton, face au restaurant où elle a déjeuné deux heures plus tôt avec ses parents. En se retournant, elle voit le passage qu'elle vient d'emprunter, bizarrement posé entre deux bâtiments et elle devine les berges de la rivière au loin. Etrange ! En prime, elle commence à se sentir mal. Mais voilà qu'un serveur la reconnait et lui remet le fameux bracelet. De plus en plus mal, avec une douleur terrible au crâne, elle repart dans l'autre sens, et finit par se convaincre que tout ceci était un rêve, d'autant qu'à son retour, le pont a disparu. Et pourtant, elle allait l'emprunter de nombreuses fois à l'avenir, ce Raccourci. Elle ne le savait pas encore mais elle avait trouvé le moyen de rendre réel son monde intérieur.
De rares personnes étaient ainsi capables de naviguer dans un autre monde, créé de toute pièce. Si Vic utilise cette capacité pour retrouver des objets, il est un homme nommé Charles Manx qui s'en sert à tout autre dessein. Il a réussi à recréer tout un univers qu'il a appelé Christmasland où Noël est éternel et les enfants heureux et jeunes pour l'éternité. Enfin, c'est ce qu'il raconte aux hommes qu'il embauche pour l'assister dans ses « sauvetages » car la réalité est bien autre...
Vic et Charles auraient pu ne jamais se rencontrer et pourtant, le destin, ou autre chose, les mit sur la route l'un de l'autre... pour le pire.
Dès les premières pages, on est happé par cette histoire dense mais terriblement bien construite qui nous entraine aux portes de la folie. Car finalement, les personnages sont-ils fous ou possèdent-ils des capacités hors-norme ? Sommes-nous les témoins de leurs hallucinations ou leurs délires sont bien réels ? Réalité et fantastique se mêlent et s'entremêlent pour ne former plus qu'un imaginaire délirant et angoissant. Car que se passerait-il si l'inconscient pouvait devenir réalité ?
J'ai aimé ce récit à la fois très réel mais qui, en l'espace d'un instant, bascule dans le fantastique. Difficile de résumer l'intrigue sans en dire trop ou pas assez : nous sommes dans un roman fantastique horrifique avec une base de thriller assez classique fait de kidnapping et de meurtres sans oublier une bonne dose d'amour. Etrange, n'est-ce-pas mais c'est certainement ce qui caractérise le plus l'univers de Joe Hill (qui n'est autre que le fils de Stephen King, si comme moi, vous lignoriez). Si au départ, on peut se demander ce qu'il cherche à nous raconter, on se laisse très vite happer par cet imaginaire diaboliquement étrange.
L'auteur n'épargne rien à ses personnages qu'il a choisi avec des failles et surtout, à mille lieux des héros tout puissants qu'on rencontre parfois. Mais finalement, ils ont un point commun : tout faire pour le bien de ceux qu'ils aiment... enfin ce qu'ils considèrent comme le bien. Le récit, bien que long, se dévore et on est poussé en avant par cette technique inédite (enfin pour ma part) qui termine un chapitre sur une phrase inachevée dont la suite se trouve au chapitre suivant. Comment résister à l'envie de poursuivre sa lecture ?
Un récit fantastique à découvrir, qui flirte avec l'horreur non sans une certaine poésie. J'adhère.