Walden est un petit américain comme il y en a beaucoup, même s'il possède un prénom peu courant. Il vit seul avec son père, Jack Stephenson, non loin des immenses forêts du Maine, à Baltimore exactement. L'ennui, c'est que Jack Stephenson n'a que deux passions dans la vie, et franchement masculines : le base-ball d'abord, et les voitures ensuite. D'ailleurs, Jack possède une Chevrolet Impala de 1995 : une relique magnifique, dans son rouge cerise métallisé. Walden, lui, est plutôt du genre intelligent, et n'est ni sportif, ni courageux, ni débrouillard...
Alors, le jeune garçon s'étonne lorsque, un soir après l'école, son père l'emmène pour une route assez longue à travers les routes du Maine. Jack ne parle pas beaucoup durant le voyage, et l'autoroute a depuis longtemps laissé la place à des petits chemins de forêts : le Maine en est d'ailleurs recouvert sur la quasi-totalité de son territoire, et on pourrait passer une vie au milieu des millions d'arbres sans jamais réussir à tomber sur une ville.
Walden est véritablement surpris lorsqu'ils arrivent à une vieille cabane en bois, perdue au milieu de la forêt. Et le plus incroyable arrive : Jack laisse quelques boîtes de conserves, quelques affaires de survie, deux livres de Thoreau, un philosophe ayant mené une vie solitaire, un pigeon voyageur et une arme. Et puis, Jack part, laissant Walden seul au milieu de la nuit tombante.
Le garçon, d'abord déboussolé, se dit que son père lui fait une bonne blague. Qu'il ne va pas tarder à revenir, le sourire aux lèvres. Au bout de quelques heures, puis de quelques jours, il n'en est rien. Walden doit bien se rendre à l'évidence : il va devoir affronter la forêt. Se débrouiller pour survivre, ou mourir, tout simplement... Dès lors, le jeune garçon vivra dans l'obsession de faire ce qu'attend son père. Et il aura un réflexe de survie : comptabiliser le nombre de jours qu'il parviendra à tenir, seul, dans l'immensité verte...
On ne croise pas beaucoup d'êtres humains dans ce roman de Lorris Murail, qui n'est pas sans rappeler un livre de Stephen King, La petite fille qui aimait Tom Gordon... Mais on en croise tout de même ! Bien entendu, le lecteur s'attachera presque instantanément à Walden Stephenson, petit gars qui ne voit plus une mère partie depuis longtemps au Pérou, et qui va devoir affronter une épreuve assez incroyable, au vu de son âge.
La privation de tout est le filigrane du roman, bien évidemment, et Lorris Murail excelle dans la façon de nous raconter les différentes épreuves, les interrogations, les flash-back vers les jours plus heureux... Et puis, l'auteur nous réserve une seconde partie, qui permet de comprendre le geste du père. Et là, il parvient à nous surprendre.
Ce Douze ans, sept mois et onze jours peut être mis entre toutes les mains, de la jeunesse à l'adulte, avec l'enfant qui sommeille encore en chacun de nous. C'est parfaitement écrit, facile à suivre, haletant : un vrai plaisir dont on se demande encore pourquoi on s'en priverait !