Qui pourrait croire que cet ivrogne qui se saoule jour après jour dans les bas-fonds de Masalia fût un jour un des plus grands généraux de l'Empire ? Ce déchet humain a si peu d'importance qu'il n'intéresse pas même la jeune République, malgré les purges. Pourtant, c'est bien auprès de lui que Viola, la jeune historienne, vient rechercher des informations sur Eraëd, la mythique Épée de l'Empereur. Le vieux soldat l'aurait emportée avec lui alors qu'il s'éloignait des ruines fumantes de l'Empire, il y a dix-sept ans...
Viola est jeune et belle, elle sent la lavande et ravive les souvenirs du vieil homme. Entre deux verres de vin, Dun-Cadal va lui raconter ses souvenirs : son histoire, celle de son apprenti le prometteur chevalier Grenouille et surtout celle de la chute de l'Empire.
Le récit oscille constamment entre le présent, où l'on assiste à la déchéance de Dun-Cadal, et le passé, où il combattit glorieusement pour l'Empereur. Si le procédé est éculé, c'est ici bien réalisé et cela fonctionne parfaitement.
Tout au moins dans la première partie, racontée du point de vue de Dun-Cadal, brillant stratège et guerrier dont le simple nom impressionnait les ennemis. A mi-volume, après un retournement de situation que l'on voit venir de loin, la même histoire nous est relatée du point de vue de Grenouille. Les situations sont les mêmes, mais l'éclairage différent nous les présente bien autrement : Dun-Cadal n'y est plus qu'un rustre sans finesse, incapable de voir ce qui est sous son nez, par exemple. Le problème, c'est que ces mêmes scènes reprises quasi à l'identique (y compris les dialogues) sont génératrices d'ennui, cette partie s'étalant trop en longueur par rapport à son faible intérêt.
Les quelques chapitres finaux, qui voient aboutir la situation dans le présent à grand renfort d'action violente, ne suffisent pas à rattraper le coup.
L'univers de fantasy dans lequel évoluent les personnages ressemble au nôtre, avec une petite touche de magie (le Souffle des Chevaliers) et de dépaysement (les dragons) qui se fondent dans le décor. L'intérêt de ce roman est plutôt porté par le personnage de Dun-Cadal, plutôt sympathique malgré ses défauts.
Les personnages secondaires manquent trop de présence pour que l'on s'y attache.
La plume est fort agréable. Il est vraiment dommage que la deuxième partie soit, comme je l'ai souligné, si redondante par rapport à la première ; il faut espérer que les deux prochains tomes de la trilogie sauront éviter ce travers pour redonner à cette histoire tout son intérêt.