Les Chroniques de l'Imaginaire

A l'accord parfait, 1788 (Les Maîtres Saintiers - 1) - Bollée, Laurent-Frédéric & Fino, Serge

1788, dans la campagne non loin de Châtellerault. Deux hommes, des frères jumeaux nommés Etienne et François Rochebrune, se font surprendre par la nuit et de terribles intempéries. Ils trouvent refuge dans une demeure en lisière de forêt, faisant la connaissance d'un mystérieux et peu sympathique cabaretier, qui dit chasser la bête de Gévaudan, encore ici, près de la Loire. L'homme indique tout de même aux deux jumeaux l'endroit où ils vont pouvoir enfin travailler, faisant montre de tout leur talent...
Car les deux frères en question sont des maîtres Saintiers. Ils savent fondre le métal, afin de fabriquer de magnifiques cloches toutes neuves, histoire de redonner de la résonance à une ville complète. Et c'est justement Châtellerault qui aura bien besoin de ce talent, car chaque midi, la population est assourdie par l'horrible cacophonie produite par la cinquantaine de cloches vieilles de plusieurs siècles.

Alors, c'est entendu : les deux frères peuvent démarrer leur oeuvre, sous le regard de la population de la ville. Rapidement, Etienne se rend compte de l'existence d'inscriptions sur chacune des cloches. Des inscriptions qui parlent de Marie, la mère de Jésus, laissant planer le doute sur ce lien familial... Etienne, plutôt intellectuel, prend soin de noter chaque inscription dans un carnet. Son frère, François, est plus bougon et plus physique, et il doit travailler deux fois plus dur lorsque son frère s'absente en bibliothèque, des jours entiers, afin d'étudier les inscriptions qu'il a découvertes.
Alors, la tension monte entre les deux frères. Les notables qui paient les travaux demandent des comptes et font monter la pression sur les échéances. Et puis, il y a également Rosaline, fille de notable justement, et dame de caractère ! Celle-ci semble enfin s'attendrir devant le charme naturel et la force tranquille d'Etienne... De quoi rendre François encore un peu plus jaloux...

Une nouvelle histoire de famille teintée de révélations religieuses : voilà de quoi éveiller la curiosité, surtout lorsque Laurent-Frédéric Bollée (L'ultime chimère, Un long destin de sang, Deadline...) est au scénario ! On se surprend à repenser à des séries de Franck Giroud, comme Le Décalogue, et voilà que les sens s'éveillent !

Et ma foi, il faut bien reconnaître tout un tas de qualités à ce premier tome de Les Maîtres Saintiers : l'histoire se met en place, et il y a de quoi alimenter, entre le fait que les personnages principaux soient des jumeaux, le fait que bon nombre de personnages ont du caractère et de la répartie, et le fait que cette série est la première que je connaisse qui parle de ce métier, dont le lien avec le christianisme n'est pas à démontrer ! Les éléments s'enchaînent par ailleurs à un très bon rythme, et le lecteur aura peu de répit pour reprendre son souffle.

Les dessins de Serge Fino sont eux aussi très réussis, et tout à fait dignes de la très belle couverture de ce premier tome. Cela reste détaillé et parfaitement soigné, avec les couleurs de Zielinska qui savent se faire discrètes, et se mettre un peu plus en avant dans les moments opportuns : c'est très agréable, très lisible et parfaitement convaincant, même si on n'y trouvera pas une originalité graphique qui aurait été la petite cerise sur le gâteau.

Un premier tome convaincant, réussi, soigné, qui ne parvient cependant pas à faire oublier d'autres choses sorties bien avant (Le Décalogue, Da Vinci Code...), mais qui tire tout de même élégamment son épingle du jeu. Vivement la suite d'ailleurs !